Un rideau est baissé, mais l'activité se poursuit sous d'autres formes : ANPR, ANPéRo, notamment au café-librairie Michèle Firk
Pages
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2015/01/25
2015/01/22
2015/01/20
2015/01/16
Un peu de lecture...
« Ce sont les passions et non les intérêts qui mènent le monde » (Emile-Auguste Chartier, dit Alain)
Il est tout de même surprenant de constater que parmi les plus farouches défenseurs de la liberté d'expression s'en trouve un bon nombre à croire que seule leur parole est sacrée, comme si la peur, la tristesse, la colère et la haine leur conféraient je ne sais quelle autorité morale supérieure. Bref, pas moyen d'en placer une à la machine à café durant toute cette semaine placée sous le signe des passions et donc marquée par la victoire de la caricature sur la réflexion.
Aussi, pour la semaine prochaine, face aux fanatiques de tous poils et toutes obédiences, je revendique le droit au silence :
2015/01/09
Spacca : As barbas do imperador (BD)
Gros travail de Spacca pour cette BD adaptée du livre éponyme de Lilia Moritz Schwarcz et tout entière consacrée à missieur Pedro de Alcântara João Carlos Leopoldo Salvador Bibiano Francisco Xavier de Paula Leocádio Miguel Gabriel Rafael Gonzaga, mieux connu sous le nom de Pedro II, aussi surnommé par ses fans El Magnánimo, et plus significativement : dernier des monarques à avoir régné sur le Brésil, de 1831 à 1889, années durant lesquelles le pays s'est modernisé vitesse grand V, tout du moins ses principales villes :
Quoi d'autre ? Le développement des Arts et des Sciences, l'abolition de l'esclavage... et surtout, bien avant l'invention des dircoms, la mise en place, par Pedro II en personne, d'une stratégie de propagande censée promouvoir l'Empire et l'Empereur pour le siècle présent et les siècles futurs.
E depois ? La vingtaine de pages didactiques qui concluent cette BD, notamment l'article sur la photographie à la fin du XIXe siècle, la chronologie illustrée des principaux événements, aussi l'indispensable bibliographie et l'habituel making-of de l'auteur, le tout en langue portugaise, em Português muito complicado para mim, se você souber o que quero dizer...
Et voici donc, espécialement pour vous, un montage cousu-main de quelques vignettes pas vraiment représentatives de l'ouvrage, mais plutôt du talent de caricaturiste de João Spacca de Oliveira :
2015/01/07
On a les 11 septembre qu'on peut…
(Pendant les travaux, Charlie-Hebdo continue)
Nouvelle vitrine de la librairie Entropie, ce 7 janvier 2015
Seule consolation, mais de taille : Willem est sauf
Seule consolation, mais de taille : Willem est sauf
2015/01/04
Antônio Torres : Un taxi pour Vienne d'Autriche
Muito bem ! Encore un bon Torres ! Celui-ci empreint de poésie et très musical, puisque rythmé façon polar, avec des phrases qui vous claquent aux oreilles un peu comme des coups de feu :
L'arme a trouvé la cible ~ Je perçois des voix qui s'éteignent comme une agonie d'automne... et je rêve que je lis un poème de T.S. Eliot ~ Il a plié à la deuxième balle : personne n'est parfait ~ L'enfant a grandi la tête plate, à force de caresses ~ Marcher, marcher, marcher... pour découvrir que j'ai encore des yeux pour la beauté.
Comme dans ses précédents livres, l'auteur s'attache une nouvelle fois à dépeindre un climat et attiser des sentiments plutôt qu'à raconter une histoire, laquelle est d'ailleurs on ne peut plus simple : un publicitaire au chômage loge deux balles dans le ventre d'un vieil ami qu'il n'avait pas vu depuis vingt ans, puis s'enfuit de chez lui en s'engouffrant dans un taxi... qui n'ira nulle part pour cause d'embouteillage. Pas de quoi casser trois pattes à un canard. Seulement il y a le style, on l'a déjà dit, et puis cette impression diffuse de faire trempette dans le cerveau de l'assassin, de partager la détresse de cet homme se noyant à l'intérieur de lui-même, puis d'être emporté par les flux et reflux de sa conscience comme dans une sorte de rêve éveillé, et à moitié halluciné, où la réalité paraît toute distordue, brouillée, fragmentaire... et en même temps si réelle. Car, à bien y regarder, ce roman est un jeu de miroirs pas si déformants qu'ça. Ce qu'ils reflètent ? Notre aliénation. Les visages de ceux qui ne savent plus trop qui ils sont, ni ce qu'ils font... le drame existentiel de l'homme moderne, bien plus déboussolé dans sa mégalopole qu'il ne le serait lâché en pleine nature... aussi l'absurdité d'un monde où tout est rationalisé, hormis nos actes et nos pensées... et puis le paradoxe d'une société où tout va très-très vite et où cependant rien ne bouge, un peu à l'image d'un tacos coincé dans un bouchon : de quoi devenir dingue, non !
A PIED D'ŒUVRE
Il descendit vers la place du général Osório en pensant : Ipanema est plus bleue que Copacabana. Ses immeubles sont plus bas. On peut encore voir le ciel. Restait à savoir si cela le rapprochait ou l'éloignait de Dieu. Et, si Dieu existait vraiment, le ferait-il arrêter pour vagabondage ? Flâner alors que tous les autres courent — c'est un péché mortel.
Et il allait devoir encore marcher un bon moment avant d'arriver chez son ami. Ce qui signifiait : qu'il avait encore du temps — pour penser. Pourquoi pensait-il tant ? Pourquoi les Japonais...
Marchant et pensant : le chemin se fait en marchant. Et se rappelant le temps où cette place était beaucoup plus agréable, sans les palissades des travaux du métro qui interdisent le trottoir et empestent l'atmosphère. Pensant aux dessous-de-table et au coup publicitaire des travaux, pour le plus grand profit des entrepreneurs qui avaient financé la campagne du gouverneur, puis laissé les travaux en plan et la place défigurée. Pensant : et personne ne dit rien. Ipanema, au mètre carré plus cher que le mètre carré d'un château en Angleterre, ne se plaint que des camelots qui transforment ses rues en bidonvilles et de la présence de Noirs sur ses plages. Le reste importe peu [...]
2015/01/01
Boire un petit coup (bis)
Bandage au pied, au bras et gueules cassées, petit groupe de soldats en convalo avec cette légende au verso de la photo : « Je t'envoie ma figure, mais elle est bien laide... »
Paroles de Poilu : Lucien Bonnet (1881-????)
« Nous sommes correctement couverts, bien qu'habillés façon carnaval : pantalon de velours, gilet de tirailleur, veste de zouave et capote d'infanterie » (Lucien Bonnet, décembre 1914)
Si d'un strict point de vue historiographique l'hiver 1914-1915 est surtout marqué par la 1ère bataille de Champagne et par la trêve du 25 décembre, il constitue pour les combattants l'épisode sans doute le plus sentimentalement douloureux d'une guerre dont ils savent à présent qu'elle sera plus longue et plus meurtrière qu'ils ne le croyaient en quittant leur foyer.
Et s'il est difficile de se figurer combien leur fut pénible ce premier Noël passé dans la boue glacée des tranchées, loin de leurs parents, de leur épouse, leurs enfants... il est non moins difficile d'imaginer comment ces derniers célébrèrent la nouvelle année en l'absence de l'être aimé. Mais on peut cependant essayer de s'en faire une idée, en parcourant les correspondances échangées durant cette période.
Lucien Bonnet était natif de Boulogne, dans le département de la Seine, l'actuel 92, où il travaillait aux chiffres en tant qu'employé de bureau. Marié depuis deux ans à Antoinette Marie Fayet, dite "Toinon", et père d'un petit garçon qui n'avait pas encore fêté son premier anniversaire, le couple coulait des jours heureux dans son "petit intérieur cosy et fort confortable" du 60 route de Versailles, à Billancourt.
Et puis, en août 1914, patatras ! Lucien doit rejoindre dare-dare son régiment, le 4ème Tirailleurs Indigènes, lequel régiment sera d'ailleurs souvent cité à l'ordre de l'Armée — avec Croix de guerre et tralala — et c'est dire aussi à quel point les hommes qui le composaient ont dû salement dérouiller. Bref, après cinq mois de combats plus qu'éprouvants, le caporal Lucien Bonnet profite d'un moment d'accalmie pour écrire à Toinon :
Puisieulx, 1er janvier 1915
Ma chère Antoinette,
Voici la journée du 1er janvier passée. De tout le jour, je n'ai pas eu le courage d'écrire. J'étais avec toi et notre petit Maurice, t'accompagnant par la pensée dans les visites que tu as dû faire. J'espère, ma chère Antoinette, que tu as su être mon interprète auprès de chacun des membres de notre famille pour leur faire part des vœux de santé et de bonheur que je formule de grand cœur pour chacun d'eux à l'occasion de la nouvelle année, car tu dois bien penser que je n'ai pas du tout le cœur d'écrire à chacun en particulier.Il est sept heures du soir et je m'ennuie. Ma journée s'est passée bien tristement, surtout après celles encore plus tristes que nous venons de vivre. Nous sommes au repos depuis hier soir, à environ 3 kilomètres des lignes de feu, mais nous avons été fort éprouvés auparavant. Le 22 décembre nous avons fait une attaque contre les lignes allemandes. C'était, un peu prématurément, je crois, notre cadeau de Noël. Notre Compagnie, ce jour-là, n'a pas beaucoup souffert, mais un camarade et moi-même avons vu la mort de très près... Prématurée elle aussi, la fête du jour de l'An : sur un autre point que nous occupons, Messieurs les allemands se sont payés le luxe de faire sauter nos tranchées à la dynamite. Cela produit, je t'assure, un drôle d'effet que je ne puis décrire sur le papier. Ma Compagnie en a souffert et a été en partie décimée. Sur le petit groupe de quatre que nous étions, trois ont disparus ensevelis, dont un père de deux enfants, et vu l'amitié qui nous liait l'un à l'autre cela m'a fait beaucoup de peine.Enfin, ma chère petite Toinon, je veux espérer que cette maudite guerre sera bientôt terminée et que je pourrai alors revenir auprès de vous tous. C'est le seul souhait que je puisse actuellement formuler. Mes vœux pour toi et notre petit chérubin, tu les connais. Tu sais que ma pensée et mon cœur sont toujours avec vous et je ne saurais ici assez bien m'exprimer. Embrasse bien fort pour moi notre petit Maurice et sois, comme je te le dis en première page, mon interprète auprès des personnes de la famille auxquelles je n'aurai pas écrit à l'occasion de la nouvelle année.
Ton mari qui ne cesse de penser à vous et t'embrasse de tout cœur,
Lucien Bonnet
(4ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens - 2ème Compagnie - 1er Bataillon)