J'ai connu des toxicos et côtoyé quantité d'alcoolos, mais des
culturo-dépendants comme j'en ai vu avant-hier, ah pardon, ça c'est quelque
chose ! Presque pire que l'accro à la coke, le mordu de France-Culture a des
montées plus qu'époustouflantes : vertigineuses ! Y peut t'escalader des
Himalayas sans les mains, puis redescendre en BASE-jump et repartir ensuite au sommet
comme un rien. Oui madame, j'ai vu de mes yeux vus ces grands désaxés tenir en
équilibre sur un fil tendu entre l'Inde et la Chine à plus de 20000 pieds
d'altitude... puis se précipiter dans le vide, planant et glatissant,
zinzinulant et tridulant, même qu'on aurait dit des z'oiseaux. J'exagère ?
J'hallucine ? Alors j'ai du le rêver aussi, cet espèce de narco-trafic digne
d'un Cartel colombien auquel j'ai pourtant cru assisté : l'air goguenard de
Pablo Escobar refilant sous le manteau une came de première qualité, et la mine
épanouie des uns et des autres tandis qu'ils s'envoyaient dans les veines de
l'mp3, du FLAC ou bien de l'ogg-Vorbis en couinant de petits cris orgastiques à
rameuter les passants : aaah, Heidegger... Oooh ! Cortázar... Tous à fond dans
leur trip quand déboula soudain, venant de Montreuil, un vieil énergumène au
pardessus rapiécé, une barbe à la Bakounine et le verbe haut d'un habitué des
tribunes :
- Bien le bonsoir, les aminches, je me nomme Jeanjean ! fit-il en
pénétrant dans la pièce comme s'il entrait en scène.
- Bonsoir Jeanjean !
Salutations d'usage, puis, cordialité proverbiale, on lui versa un verre de
blanc-cass' qu'il porta aussitôt à ses lèvres :
- Palsambleu, voilà qui vous réchauffe un homme !
Parole qu'il ponctua d'un clin d'œil entendu et déjà complice. Suite à quoi
il nous expliqua avoir traversé Paris par monts et par vaux sur son vélocipède,
afin de festoyer avec nous, s'ébaudir et faire ripaille de bons mots... pour
reprendre les termes de cet olibrius, curieux mélange d'Ivan Karamazov et
Stavroguine, d'Etienne Lantier et Jean Valjean, créature improbable et
dictionnaire ambulant.
Voilà, c'était avant-hier soir, au centre d'addictologie du boulevard
Voltaire, Paris 11ème, dans une petite salle de shoot coincée entre un Naturalia
et la Brasserie des Copains. Me croira qui veut. Pas impossible que j'élucubre
un peu, et même que j'aie rêvé tout ça, y compris cette dernière apostrophe
lancée à l'heure des adieux :
- Hey, Stéphane ! T'oublies ta bouteille de cassis !
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