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2014/10/31

Entretien : Jorge Amado — Dominique Desanti (Action, mars 1948)

« La fonction primordiale de l'art est d'aider l'homme dans sa marche vers une réalité toujours plus profonde. » (J. Amado, 1948)

Même contexte historique que le billet précédent, mais avec, cette fois-ci, des questions au contour nettement plus politique, règle éditoriale du journal oblige.
On pourra éventuellement trouver à cet entretien un petit goût de suranné ou, au contraire, estimer qu'il n'a rien perdu de son actualité... mais on retiendra surtout que les intellectuels d'après-guerre participaient à la vie de la cité en s'engageant corps et âme dans le combat des idées ; aussi qu'ils n'avaient pas pour nom Soral, Zemmour et autres propagandistes à la petite semaine de la xénophobie et du nationalisme — lesquelles doctrines avaient d'ailleurs conduit l'Europe au chaos, qu'on se le dise — mais qu'ils s'appelaient alors André Malraux, Albert Camus, Jean-Paul Sartre... et Jorge Amado.

A noter enfin que Dominique Desanti, outre sa fonction de journaliste, était également romancière, biographe, historienne, et accessoirement mariée au philosophe des mathématiques Jean-Toussaint Desanti, avec lequel elle entra dans la Résistance dès la première heure.


La première fois que j'ai rencontré Jorge Amado, il était en noir, à une réception; il avait l'air, avec son visage sépia, son regard sombre, ses cheveux d'encre de Chine d'un de ses propres personnages, d'un paysan brésilien venu à la ville en costume de cérémonie, et on sentait « qu'il n'aimait pas ça ». Je lui ai d'ailleurs trouvé une tête d'ours. La fois suivante, dans sa chambre en désordre, pleine de visiteurs, tous Brésiliens, tous chassés, il portait plus de couleurs qu'un tableau de Portinari, et ça lui allait bien, il était chez lui.

Je lui ai parlé de Terre violente; mais on ne peut pas dire à un auteur combien on aime son livre quand on l'aime à ce point; et celui-ci est, sans doute, un des meilleurs romans publiés depuis la Libération, et l'un de ceux dont on a le moins parlé. 
L'auteur correspond au livre; il a fui une école de frères à 13 ans; à 15 ans, il était journaliste; à 19 ans, il publiait son premier roman : Au pays du carnaval; à 20 ans, Cacao le rend célèbre. Il parle des plantations, des taudis dans les villes, de la vie des nègres dans Bahia de tous les saints, qui le porte au premier plan de la littérature brésilienne; il remporte le « Goncourt brésilien » en 1936, l'année même où il est emprisonné pour la première fois comme révolutionnaire. En 1937, Vargas le fait arrêter à nouveau; ses livres sont brûlés, mis au pilon; en 1941, il part pour l'Argentine, revient en 1943 pour militer en faveur de la guerre aux côtés des Alliés. En 1945, il est élu député... le voilà proscrit, tandis qu'on annonce le procès de Luiz Carlos Prestes et qu'on reste sans nouvelles de Pablo Neruda.

Je l'attaque :

- Cette influence américaine qui tente par tous les moyens de pénétrer au Brésil se sert-elle des intellectuels brésiliens ? 

- Dans leur ensemble, les intellectuels réagissent contre cette influence, maintenant. Au cours de la guerre, beaucoup d’écrivains, de savants, d'artistes ont été invités aux Etats-Unis; il en a résulté une sympathie certaine, mais qui allait à l'Amérique de Roosevelt, à celle qui combattait le fascisme. Maintenant, l'influence américaine crée le fascisme, et les intellectuels s'en sont aperçus. Depuis l'interdiction du Parti Communiste, beaucoup d'entre eux (et même des catholiques, des « maritainistes » comme nous disons) se sont rapprochés de lui. Nous comptons parmi les progressistes le plus grand de nos peintres : Portinari, le plus grand architecte : Neimeyer, le plus grand chimiste : Schemberg.
Mais, pour reprendre votre question, l'Amérique a trouvé des intellectuels pour faire sa propagande; malheureusement pour elle, ce sont ceux qui avaient servi le nazisme, le fascisme et les Japonais, comme, par exemple, Plinio Salgado (qui fut le chef des « chemises vertes » brésiliens !). 
L'influence fasciste est également propagée par les livres et les conférenciers envoyés par Salazar et par Franco; notre gouvernement oppose les livres portugais venus de Lisbonne ou même directement imprimés aux Etats-Unis (les Editions Pingouin, par exemple, ou le Reader's Digest, qui ne nous a pas épargnés), à l'influence française, pourtant traditionnelle chez nous, et à notre propre littérature nationale. Tenez, au Brésil le français était obligatoire dans les écoles : maintenant, les élèves ont le choix entre le français et l'anglais.

- La technique américaine a-t-elle influencé vos romanciers ?

- Non, je ne le pense pas. Sur certains points, les deux techniques ont suivi une voie parallèle : Caldwell a retrouvé le langage des paysans; nos romanciers, en plongeant dans la vie brésilienne, ont abandonné le portugais littéraire pour revenir à la langue de leur peuple et de leur pays. 
C'est là la grande innovation des dernières années; mais la technique du récit reste chez nous... comment dire... nationale.
Avant 1930, l'influence française était très forte : ces écrivains précisément, qui écrivaient en portugais littéraire et restaient très loin du peuple (qui, de son côté, restait très loin d'eux) vivaient du souvenir d'écrivains « attiques » de chez vous.
Tenez, un fait montre l'évolution de la littérature : après la guerre, les écrivains ont vécu de leur plume, pour la première fois, tant les tirages ont monté. Autrefois, 3.000 exemplaires constituaient un gros tirage.

- Je sais que vos livres atteignent les 20.000... Dites-moi, comment se comportent vos intellectuels en face du courant révolutionnaire ?

Amado fronce un peu le visage, réfléchit, et dit lentement : 

- Nos intellectuels sont entièrement pris par la lutte, en ce moment, car il ne faut pas oublier qu'au Brésil nous luttons pour obtenir la liberté de la petite bourgeoisie libérale et que nous franchissons une étape de révolution bourgeoise. Le contenu de nos œuvres porte toujours une marque sociale, une marque de combat, de sorte qu'une peinture abstraite, par exemple, serait inimaginable au Brésil, en ce moment. La culture est devenue un front et un moyen de lutte; et n'oubliez pas le degré d'évolution de notre peuple. Les mouvements progressistes, chez nous, demandent à leurs adhérents de peindre et d'écrire pour le peuple. 
Tenez, un fait caractéristique. Nous avons un vieux poète que l'on pourrait comparer à Paul Valéry; il s'appelle Monteiro Lobato. C'est aussi le maître du conte. Il a commencé maintenant à écrire pour les enfants. Il est rentré de voyage le jour de l'interdiction du Parti Communiste; aux journalistes venus l'attendre à la gare et qui lui demandaient son opinion à ce sujet, il a répondu : « Cette décision me donne envie d'adhérer au Parti Communiste ». Le livre qu'il vient de faire éditer a la forme d'un conte pour enfants; il s'adresse en réalité aux paysans et traite de la réforme agraire; la police a saisi l'édition entière.

- De sorte que tous vos intellectuels sont « engagés » fortement ? 

Jorge Amado, tout en parlant, s'est levé des dizaines de fois, a reçu des jeunes gens, donné quelques signatures, commandé un bain à la femme de chambre. Il se rassied à califourchon sur sa chaise, les bras sur le dossier, la tête sur les bras, tandis que je demande : 

- Il me semble que situer l'intellectuel au-dessus et en dehors de la politique risque de devenir dangereux. Car, à la limite, cette position conduit à la vieille rengaine : « L'artiste est un jardinier dans son jardin », comme dit votre André Maurois, chéri de nos demoiselles. Or, nous admettons tous, n'est-ce pas. que l'artiste a un double devoir de citoyen, qui prime tout, auquel tout doit être subordonné. Dans la mesure où l'artiste s'isole de la vie, il adopte une attitude de fuite devant le réel. Et c’est déjà là une attitude réactionnaire devant l'événement, car, enfin, la fonction primordiale de l'art est d'aider l'homme dans sa marche vers une réalité toujours plus profonde. 

- Et l'existentialisme ? A-t-il pénétré jusqu'au Brésil ? Y exerce-t-il une influence ? Qu'en pensent vos littérateurs réactionnaires ?

- Nos littérateurs réactionnaires sont groupés à l'ombre de Proust. Quant à l'existentialisme, il a été précédé par sa propre critique, faite par des progressistes. Quand les premiers ouvrages existentialistes paraîtront en traduction, ils rencontreront déjà une résistance.
Les groupes d'intellectuels influencés par l'Amérique tentent bien de faire de l'existentialisme un refuge et un contrepoids au courant révolutionnaire... Mais, encore une fois, je dois insister sur la différence de situation. Les conditions de vie de notre jeunesse petite bourgeoise ne la prédisposent pas à l'existentialisme. Car, chez nous, les jeunes bourgeois ne sont pas des décadents, ils sont, au contraire, animés d'une furieuse envie de vivre. C'est pourquoi l'existentialisme échouera auprès d’eux. C'est pourquoi, aussi, les théories progressistes les entraînent.

Jorge Amado soupira :

- Et c'est pourquoi les menaces de mort contre Luiz Carlos Prestes sont ressenties même par les jeunes bourgeois comme une offense à la vie du Brésil.


Entretien : Jorge Amado — Pierre Daix (Lettres françaises, 1948)

« Peut-il y avoir de tâche plus noble pour la littérature que de contribuer à hâter la prise de conscience par les masses des problèmes essentiels de leur vie, de les aider à aller de l'avant, à mieux connaître leurs forces et leur rôle ? » (J. Amado, 1948)

Pour en savoir un peu plus sur l'auteur de La terre aux fruits d'or, de Gabriela, Cacao, Tocaia... et tant d'autres, la librairie l'Entropie met en ligne une série d'entretiens donnés par Jorge Amado à la presse écrite de chez nous, entre 1948 et 89, autrement dit : entre le plan Marshall et la chute du mur de Berlin.
On retrouvera tout d'abord, dans les pages jaunies des Lettres Françaises, puis dans celles du journal Action, les préoccupations et le climat d'une époque aujourd'hui révolue... enfin, peut-être pas tant que ça.
On assistera par la suite aux transformations du monde et d'un homme, lequel, en vieillissant, délaissera peu à peu le discours militant et, tout en restant fidèlement lié au peuple, abordera des sujets plus "actuels", tels que l'écologie, le métissage ou la religion... le tout sur fond de littérature, qui est la réelle constante.
Et on verra aussi comment, les années passant et la roue tournant, il sera de plus en plus souvent question du passé d'Amado plutôt que de son avenir ou même de son présent.

***

Nous sommes ici en février 1948, au 37 rue du Louvre, à Paris. Le ciel est gris, l'air est froid et le charbon de chauffe va bientôt manquer. A 8000km de là, par-delà l'océan, le Brésil affiche des températures autrement plus douces, mais doit encore faire face à une nouvelle crise de démocratie, celle-ci due au général-dictateur Eurico Gaspar Dutra. Depuis quelques mois, en effet, le Parti Communiste Brésilien est re-déclaré illégal et ses milliers d'adhérents, ou de sympathisants, à nouveau traqués comme des bêtes par la police militaire et l'armée, raison pour laquelle l'écrivain Jorge Amado de Faria a quitté Bahia pour rejoindre la France. Il a 36 ans et a déjà publié treize romans, dont seulement deux ont été jusqu'alors traduits dans la langue de Molière. Sa notoriété, en France, tient donc davantage à son engagement politique qu'à son oeuvre littéraire encore mal-connue.

Attention ! Pierre Daix est un journaliste communiste, Amado un écrivain communiste, et les Lettres Françaises une publication communiste ! Aussi, au cas où le mot "communiste" te poserait un problème de conscience, tu peux toujours le remplacer par celui de "résistant", c'est pareil au même.


Le jour triste s'achève. Dans le vaste bureau, au septième étage de Ce Soir, où nous nous sommes rencontrés, les objets commencent à se fondre dans la grisaille. Jorge Amado est assis dans un fauteuil de cuir, à côté de moi. Il regarde lentement autour de lui comme pour s'habituer à l'atmosphère imprécise, toute de nuances, qui nous baigne, et contemple Paris, qu'on aperçoit à demi estompé dans le soir. Il écoute posément mes premières questions, puis, tout à coup, son visage s'anime. Il parle, lentement, en espagnol :

Chez nous, la pression de l'impérialisme américain est incomparablement plus forte qu'ici et va en s'accentuant. Elle devient chaque jour de plus en plus cynique, de plus en plus ouverte. Non seulement le gouvernement du dictateur Dutra n'a plus d'indépendance véritable, mais il n'a même plus une apparence d'indépendance. Par exemple, la veille du jour où, par jugement du tribunal supérieur électoral, le parti communiste a été interdit, le commandant des forces américaines au Brésil a lancé à ses troupes un ordre secret les appelant à prendre des mesures de sécurité pour le lendemain, et les avertissant que ce jour-là la parti communiste brésilien serait interdit.

Vous parlez de forces américaines ? Comment se fait-il qu'il y ait encore des forces américaines au Brésil ?

Il ne devrait plus y en avoir, mais les Américains ont conservé des bases militaires chez nous, et, naturellement, des forces armées pour les occuper. Ce sont principalement des forces de l'aviation. D'autres mesures du même ordre ont depuis été prises. Les députés communistes ont été privés de leur mandat, les journaux progressistes interdits, la Constitution est de plus en plus bafouée.

Quelle est la nature de cette constitution ? Est-elle démocratique ?

Quand le Brésil eut pris, sous la pression populaire, la décision de se ranger aux côtés des alliés dans la guerre, Vargas fut contraint de rappeler les exilés et de rouvrir les prisons politiques. La presse fut libérée, et l'ordre démocratique établi. Les forces démocratiques s'organisèrent et se développèrent. L'Association Nationale des écrivains, analogue à votre C.N.E., joua un rôle très important dans le développement du mouvement démocratique. A son premier congrès, en janvier 1945, elle demanda l'établissement d'un régime démocratique et contribua puissamment à la chute de Vargas. Huit ans après sa dissolution par Vargas, à la fin de 1945, le parlement national fut reconstitué. En septembre 1946, une constitution fut adoptée, constitution encore très imparfaite, mais démocratique néanmoins. C'est cette constitution qui n'est pas appliquée ou qui est violée.

Vous avez parlé du rôle important jour par l'Association Nationale des écrivains du Brésil. Comment l'expliquez-vous ?

Depuis les temps où le Brésil était un pays colonial, la lutte pour la culture est chez nous intimement liée à la lutte pour la démocratie et la liberté; elle est inséparable de l'action politique. De tradition, les écrivains savent que leur combat ne peut se dissocier de la lutte du peuple pour de meilleures conditions de vie. Notre pays compte plus de 70% d’illettrés. C'est seulement en portant les moyens d'existence à un niveau plus haut par l'industrialisation, par la réforme agraire, en conquérant à la fois notre indépendance et une vie plus heureuse que nous pourrons avoir la large audience nationale qui est indispensable au développement d'une culture riche. Le prestige politique des écrivains est d'ailleurs très grand. Beaucoup d'entre nous ont été élus députés. Tous les partis ont tenu à présenter des écrivains sur leurs listes. Le parti communiste en compte sept parmi ses députés.

Quel a été le rôle de l'Association Nationale des écrivains depuis la récente évolution des événements ?

L'Association Nationale des écrivains a tenu un second congrès en octobre 47. Elle a notamment adopté une déclaration pour la paix mondiale, elle a demandé que la Constitution soit appliquée, elle a pris des motions pour la libération économique du Brésil, pour la levée de l'interdiction du parti communiste. Elle a analysé les menaces contre la culture qui découlent de la situation actuelle et s'est élevée contre les brimades dont sont victimes les écrivains et les journalistes progressifs.

La situation des écrivains s'est-elle améliorée depuis ?

Non. Bien au contraire. Sous la pression étrangère, les mesures policières ont redoublé. Au moment où je partais pour la France, la police venait d'interdire deux pièces de Nelson Rodrigues. L'une d'elles parce qu'elle posait, timidement d'ailleurs, le problème noir au Brésil. Candido Portinari a dû s'exiler à Montevideo; Niemeyer, le grand architecte, a vu tous ses contrats cassés par le gouvernement. Il a été invité à faire des cours dans une université américaine, mais le Département d'Etat des U.S.A. a refusé de lui accorder son passeport. Le poète Aydano de Canto Ferraz a été condamné à 6 mois de prison; Raphael Corriedo de Oliveira, un grand journaliste indépendant, est poursuivi pour avoir écrit des articles anti-américains. Des dizaines d'autres artistes et écrivains subissent chaque jour des vexations et des brimades de la part du gouvernement. Dernièrement, le grand écrivain catholique espagnol José Bergamin, qui devait faire des conférences au Brésil, s'est vu refuser l'autorisation de séjour, et il a dû repartir aussitôt arrivé.

Quelle est, dans ces conditions, la situation de la culture au Brésil ?

La pression américaine se manifeste une fois de plus et tout particulièrement contre la culture française. Vous connaissez l'importance que nous attachons, depuis les temps coloniaux, à ce qui nous vient de France. Eh bien ! par divers moyens, notamment en empêchant les livres et les films français d'arriver chez nous, on tente de détruire cette influence. D'autre part, le gouvernement organise l'importation massive de livres édités en portugais. Comme les U.S.A. se sont mis à en éditer en grande quantité, cela revient à nous submerger d'écrits américains. Une édition portugaise du Reader's Digest avait d'ailleurs frayé la voie depuis longtemps. Il en est de même pour les films, et nous versons, chaque année, plus de 10 millions de dollars pour voir les productions d'Hollywood.

Comment pensez-vous que votre pays sortira de cette situation ?

Je voudrais d'abord vous parler encore des efforts de notre gouvernement pour seconder les visées d'expansion yankee dans le domaine culturel. On a lancé maintenant une campagne tout à fait officielle pour un art qui soit dégagé de la politique. Je dois dire qu'elle ne rencontre aucun succès auprès des écrivains. De plus en plus, au contraire, les artistes et les écrivains entrent dans la lutte pour l'indépendance politique du Brésil. Il est significatif, par exemple, que le grand romancier catholique Jose Geraldo Veira soit devenu un militant du parti communiste, comme Graciliano Ramos, Dancelio Madicido, ou les peintres Jose Pancetti et Graciano... Comme je vous le disais tout à l'heure, nous avons conscience que la tâche essentielle des intellectuels du Brésil est de lutter sans trêve pour obtenir des conditions économiques et politiques qui permettent notre émancipation et notre indépendance.

Malgré toutes ces tâches urgentes, vous continuez d'écrire. Que préparez-vous actuellement ?

Je prépare un roman important sur le Brésil de 1941 jusqu'à l'époque actuelle [Les Souterrains de la Liberté], où je veux montrer la grande évolution de notre peuple et ses combats pour la liberté. Peut-il y avoir de tâche plus noble pour la littérature que de contribuer à hâter la prise de conscience par les masses des problèmes essentiels de leur vie, de les aider à aller de l'avant, à mieux connaître leurs forces et leur rôle ? Le destin de la culture est lié aux combats des hommes qui veulent connaître enfin la liberté et la joie.

Amado m'a regardé en souriant, avec cette moue et ce léger froncement de sourcils qui indiquent chez lui le contentement. J'ai pensé que, décidément, le Brésil n'est pas aussi éloigné que la géographie pourrait le faire croire.