2013/05/24

Jorge Amado : Suor

On commence par lire en flânant, les mains dans les poches, le regard un peu blasé, et puis... et puis on est bientôt pris par l'envie d'en finir au plus vite, tellement ça nous saisit les narines d'un remugle écœurant. Odeurs d'huile rance et d'humidité, d'eau croupie et de cabinets bouchés, le tout parfumé à la sueur aigre des hommes macérant depuis longtemps dans des vêtements crasseux. Alors, oui, ça schlingue du début à la fin, mais... mais ce n'est pas l'homme qui pue, c'est la vie qu'il mène au fond de son cloaque, et c'est d'elle aussi dont on veut s'échapper.

Ladeira do Pelourinho 
En un peu moins de deux-cent pages et vingt tableaux d'un réalisme cru, Amado dresse la typologie d'un clapier de quatre étages et de sa faune plutôt cosmopolite. Le clapier, c'est un vieil immeuble du vieux Bahia situé sur les hauteurs de la ville, là-même où les esclaves d'Afrique étaient jadis ficelés au pilori, puis fouettés au sang jusqu'à ce que mort s'ensuive. A l'époque de Suor (courant des années 30), le pilori a été rasé rasibus et l'esclavage aboli, mais le nom est resté et la symbolique aussi : le Pelourinho est devenu le quartier de Bahia où les pauvres s'entassent les uns sur les autres, dans la promiscuité et l'absence d'hygiène, vivant de petits boulots ingrats et mal-payés, jusqu'à ce que la maladie les prenne et que la mort les emporte.
São Salvador da Bahia de Todos os Santos
C'est donc au n°68 de la Montée-du-Pelourinho, à deux pas de l'église de São Francisco, dont on entend parfois sonner les cloches, et juste en face du bistrot de seu Fernandès, où les plus misérables des gueux se conservent à la gnôle, que nous amène cette fois-ci Jorge Amado. 
L'immeuble, vétuste propriété d'un antipathique espagnol, comprend cent seize chambres insalubres, exiguës et bruyantes, où subsistent environ six cent personnes et autant de ventres affamés.
O Pelourinho é o nome de um bairro de Salvador
se localiza no Centro Historico da cidade
On y entend sans discontinuer le gargouillis des tuyaux, le tap-tap des machines à coudre à pédale des grisettes, le blabla des lingères et, venant de la soupente, la toux grasse d'une tuberculeuse au dernier degré. En passant par l'escalier branlant, sous lequel se meurt lentement un clochard, on peut croiser le manchot du troisième (souvent martyrisé par les rejetons du quartier), la sourde-muette du second (une fille étrange mais moins cinglée qu'il n'y paraît), ou encore une très mystérieuse et jolie jeune femme (toujours habillée en bleu, avec des larmes aux yeux). Habitent aussi au numéro 68 : un colporteur de babioles, un agitateur politique, un clown sans emploi, un violoniste hasbeen, un syndicaliste russe, un cordonnier de Cordoue, un homo romantique, un vieux savant fou, des putes au grand cœur, des travailleurs de force et des chômeurs à bout, sans oublier Toufik, Linda, Chico, dona Risoleta Silva... et des rats par centaines. Car les hommes et les rats cohabitent ici sans s'effrayer ni se soucier plus que ça les uns des autres. Ils sont pour ainsi dire de la même espèce, pareillement chassés et méprisés par la classe supérieure, à cette différence près que les rongeurs, beaucoup plus malins, logent au n°68 à titre gracieux. Bref, toute cette humanité rampante vit là en agrégat, côte à côte mais pas vraiment ensemble, séparés qu'ils sont par des cloisons, des planchers, des paliers, des couloirs. Un manque d'unité criant, dont rend parfaitement compte le livre de par sa construction fragmentaire, en chapitres courts et concis, parfois de seulement sept ou huit lignes, sans personnage principal, ni même d'histoire à proprement parler, mais avec une incroyable imbrication d'anecdotes en tout genre, de petites tranches de vie et surtout de misères qui, s'additionnant, finissent peu à peu par former un tout homogène. C'est alors la voix d'Henrique s'accordant à celle d'Artur et d'Alvaro, faisant elle-même écho à celle de Julieta, puis chorus avec celle de Fernandès et, finalement, des 600 locataires du 68. Et c'est alors une clameur unanime qui jaillit des poitrines... c'est une foule solidaire qui descend du calvaire... et un sourire lumineux qui éclaire enfin le visage de la jeune femme en bleu.

2013/05/17

Gallimard : L'imaginaire

Petit florilège des plus élégantes couvertures de l'Imaginaire, une collection inaugurée en l'an 1977, avec la parution d'Un rude hiver, et qui compte aujourd'hui plus de 600 titres et près de 300 auteurs (histoire de saluer aussi les graphistes, les typographes et tous les travailleurs du livre) :


Les 655 couvertures :

L'historique de la collection, avec tous les chiffres clés et quelques anecdotes :
http://www.gallimard.fr/Divers/Plus-sur-la-collection/L-Imaginaire/(sourcenode)/116163

- Robert Massin (artiste typographe) -

2013/05/12

Jorge Amado : Capitaines des Sables


Un livre à offrir aux abrutis, à tous ceux qui au sujet de la délinquance juvénile vous aboie tous les jours aux oreilles : "C'est la faute aux parents, démissionnaires, au laxisme des juges, à la perte des valeurs, au manque d'autorité, à Mai 68, à l'impunité..." Un livre aussi pour Nicolas Sarkozy, le savant Cosinus qui nous réinventa jadis le gène de la délinquance (cette bonne vieille resucée du déterminisme biologique), et qui, lui-même monoaminé-oxidasé-A, devrait peut-être, sans doute, sûrement troquer son livre de chevet, Voyage au bout de la nuit, pour ce Capitaines des Sables, de Jorge Amado.

Exhumé des fonds de la maison Gallimard, ce livre est une merveille de sensibilité. Tout y est : l'amusement, l'émotion, la colère. Il y a d'abord la gouaille des gamins, leur audace et leur inventivité, même si parfois malfaisante :

- J'ai vu une de ces bagues, vieux frère, comme n'en a pas l'évêque. Une bague juste pour mon doigt. Au poil. Tu vas voir quand je vais l'amener.
- Dans quelle vitrine ?
- Au doigt d'un ballot. Un gros qui, tous les jours, prend le tram de Brotas dans le bas quartier du Sapateiro.

Il y a aussi leur sentiment d'abandon, de solitude étouffée, qu'aucune camaraderie ne saurait remplacer ni même compenser :

Par ces nuits de pluie, ils ne pouvaient dormir. Par instants, la lueur d'un éclair illuminait l'entrepôt et alors on distinguait leurs figures maigres et sales. Beaucoup d'entre eux étaient si jeunes qu'ils avaient encore peur des dragons et des monstres légendaires. Ils se serraient auprès des plus vieux qui ne ressentaient que le froid et le sommeil [...] Ils se tenaient tous réunis, inquiets, mais seuls néanmoins, sentant qu'il leur manquait quelque chose, non seulement un lit chaud dans une chambre bien close, mais encore les mots tendres d'une mère ou d'une sœur qui feraient fondre leur frayeur.

Et puis leur violence, si peu comprise et si mal admise, qu'au final ils reçoivent deux plus de coups qu'ils n'en donnent :

Lorsqu'on le conduisit dans cette pièce, Pedro Bala supputait ce qui l'y attendait. Il n'y vit aucun garde, mais survinrent deux soldats de la police, un inspecteur et le directeur de la maison de correction. Ils fermèrent la porte. D'une voix joyeuse, l'inspecteur lui dit:
- Maintenant, les journalistes sont partis, voyou. Et toi, maintenant, tu vas dire ce que tu sais, bon gré ou mal gré.
Le directeur de la maison de correction se mit à rire :
- Allons, si tu le dis...
Pedro Bala lui jeta un regard chargé de haine :
- Si vous croyez que je vais parler...
- Tu vas parler.
- Vous pouvez aller vous coucher en attendant...
Il leur tourna le dos. L'inspecteur fit un signe aux deux soldats. Pedro Bala sentit la morsure de deux coups de cravache simultanés. Et le pied de l'inspecteur sur sa figure. Il roula à terre.
- Maintenant, tu ne vas pas parler ? interrogea le directeur de la maison de correction. Ça, ce n'est qu'un commencement.
- Non.
Et ce fut la seule réponse de Pedro Bala.

Gravure de Jean Geoffroy : Les infortunés
(me font penser à Patte-Molle et José-la-Fouine)
Qui est Pedro Bala ? Un adolescent de 15 ans, le chef des Capitaines des Sables, une bande de gamins âgés de 8 à 16 ans squattant un vaste entrepôt désaffecté sur les quais du port de Bahia. Tous sans père ni mère, livrés à la rue, vivant libres et sans attache, en marge de la société, dans la précarité. Tous maigres, sales et vêtus de haillons, ils paraissent heureux mais sont désespérés, savent se montrer sournois s'il le faut ou loyaux s'ils le doivent, et peuvent tout aussi bien menacer un quidam d'un couteau que fondre en larmes à la moindre occasion. Mi-anges mi-démons, capables du meilleur comme du pire, si les plus vieux d'entre eux ont à leur actif de menus larcins et de juteuses rapines, c'est qu'il faut bien manger et nourrir les plus jeunes.
Alors, oui, vu de loin, du haut des cimes, ce sont tous des voyous, des canailles, un ramassis de moins-que-rien. Mais vus par Amado, ces vauriens se nomment Patte-Molle, Sucre-d'Orge, S'la-Coule-Douce, etc., c'est dire si chacun d'eux est différent des autres, avec sa personnalité et son histoire singulières. A tel point que l'un des gosses deviendra moine, cependant que son compère finira tueur en série, gravant d'une encoche le bois de son fusil pour chaque nouveau policier abattu. Et entre la bonté du moine et la cruauté du tueur, toute la gamme des sentiments humains, du plus clair au plus sombre, se déploiera peu à peu au sein des membres du clan : candeur, dévouement, frustration, jalousie, perfidie, désarroi, etc. Quant à Pedro Bala, qui n'est pas né voyou mais qui l'est devenu par la seule force des choses, il finira lui aussi par trouver sa voie au terme du livre, une voie sans surprise mais dans laquelle pourra enfin s'exprimer son sens exacerbé de la justice...
Peinture de Luigi Nono : Les abandonnés
(Dora et son petit frère José)
Un mot encore sur les personnages secondaires du roman, une poignée d'adultes ni plus ni moins irréprochables que les enfants des rues. Dotés d'une morale tout aussi douteuse et contestable, pas un seul de cette dizaine d'adultes n'agit en pur désintéressement. Si les uns sont plutôt bienveillants, et les autres emplis de préjugés, tous sont intimement persuadés de détenir le remède aux vices des autres ou bien de pouvoir leur indiquer le chemin de la vertu. On note ainsi la présence d'un homme de bien, l'abbé José Pedro, dont l'œuvre de charité consiste, croit-il, à aider et à réconforter les Capitaines des Sables. Bientôt en butte à l'incompréhension de sa hiérarchie, confronté à la sécheresse de cœur du chanoine et à l'intransigeance de l'archevêque, il accepte de partir pour une autre paroisse (où il gagnera mieux sa vie) et abandonne à leur sort les gamins de Bahia pour ceux du sertão.
Les abandonne aussi Jorge Amado, en mettant un point final à son récit, mais après nous avoir retracé leur parcours et nous avoir attaché à eux, surtout à Patte-Molle, le plus touchant d'entre tous, sans doute parce que le plus atteint :

Ce qu'il voulait, lui, c'était du bonheur, c'était de la joie, c'était fuir toute cette misère, toute cette détresse qui rôdait autour d'eux et les étranglait. Il y avait, il est vrai, la grande liberté des rues. Mais il y avait aussi le renoncement à toute caresse, l'absence de toutes les bonnes paroles [...] Ce qu'il voulait, lui, c'était une chose immédiate. Une chose qui rendit son visage souriant et joyeux, qui le délivrât du besoin de se moquer de tous et de se moquer de tout, qui le délivrât aussi de cette angoisse, de cette envie de pleurer qui le prenait par les nuits d'hiver.

2013/05/06

Romain Rolland : liens audio mp3

Le Gaulois - Août 1915
Calomnié par la presse ou vilipendé par l'Académie, insulté par les nervis de l'A.F ou dénigré par les vieux barbons de la Sorbonne, Romain Rolland est toujours resté digne et droit, fidèle à ses principes, un grand bonhomme.

On trouvera à l'adresse ci-dessous une série d'émissions radiophoniques qui lui furent consacrées entre 1946 et 2013, ainsi que des enregistrements des années trente qui permettent d'écouter sa voix :

http://www.mediafire.com/?d960qr4tug6gk


Une compilation d'enregistrements sonores où l'on entend causer Romain Rolland (11mn)
Sa vie, son appel au peuple d'Espagne, sa visite au pays des soviets et son Colas Breugnon.

Un homme, une oeuvre (29mn)
Le 7 novembre 1946.
Une production de Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet.
Avec : Jean Cassou, Francis Jourdain, Jean-Richard Bloch, René Arcos et Gustave Samazeuilh.


En 1ère lecture : Journal des années de guerre (1h04mn)
Le 24 novembre 1952.
Une excellente émission de Pierre Sipriot, avec les voix de Michel Bouquet, Jean Mercure et Bernard Véron.

Heure de la culture française (10mn)
Le 20 décembre 1963.
Une critique littéraire de Mlle Françoise Reiss, sur la thèse de René Cheval : Romain Rolland, l'Allemagne et la guerre.

Romain Rolland et l'Allemagne (1h06mn)
Le 6 décembre 1964.
Une émission de Georges Charbonnier, avec les témoignages de René Cheval et Jean Guéhenno (lectures de François Chaumette, Michel Etcheverry et Michel Bouquet).

Une vie, une oeuvre : La sensation océanique (1h21mn)
Le 27 octobre 1994, sur France Culture.
Une émission de Bénédicte Niogret, avec Yves Jeanneret, Madeleine et Henri Vermorel, Michel Hulin, Bernard Duchatelet, Francis Doré et Marie-Laure Prévost.

Au fil des pages : Claudel-Rolland (44mn) 
Le 28 avril 2006, sur Canal Académie.
Une émission de Christine Henneguier, intitulée Une amitié perdue et retrouvée, avec Gérald Antoine.

L'Humeur vagabonde : Un intellectuel en politique (1h06mn)
Le 9 janvier 2010, sur la RTS (Espace 2).
Une biographie complète et détaillée, présentée par Charles Sigel.

Musique en mémoire : Des mots sous les notes (2h40mn)
Du 24 au 29 janvier 2011, sur la RTS (Espace 2).

Une émission de Jean-Luc Rieder, au cours de laquelle Alain Corbellari retrace la carrière de musicologue qu'était aussi Romain Rolland, auteur d'une impressionnante monographie sur Beethoven, d'un Haendel et d'un Voyage musical au pays du passé, entre autres choses.

Je déballe ma bibliothèque (9mn)
Le 10 septembre 2012, sur France Culture.
Quelques passages de Jean-Christophe, lus par le comédien et metteur en scène Hervé Pierre.

Ecrivains nivernais : Les journées internationales (17mn)
Le 11 octobre 2012, sur RCF.
Une émission de Maylis Dessaut : cinq courtes évocations de l'écrivain de Clamecy, avec Serge Duret, Elizabeth Giulani, Yves Jeanneret, Monique Dupont-Sagorin et Martine Liégeois, la présidente de l'Association.

Les oubliettes du temps (4mn)
Le 29 janvier 2013, sur France Inter.
Une courte présentation de Romain Rolland, par l'historien François Comba.

2013/05/03

Charles Sigel : biographie Stefan Zweig (Audio)

La récente élection au fauteuil N°33 de madame Dominique Bona, auteur d'une biographie sur Stefan Zweig (L'ami blessé), me donne l'occasion de signaler ici une autre toute bonne émission de la Radio Télévision Suisse, L'humeur vagabonde, elle aussi consacrée à l'humaniste autrichien :

"Oui, raconter Stefan Zweig, c'est forcément raconter l'époque de Zweig, c'est raconter le passage d'un monde à un autre. Il est né en 1881, donc il vient du monde d'hier - die welt von gestern, c'est le titre de ses souvenirs - et il se donne la mort au Brésil en 1942. Toute l'atmosphère d'une époque est nécessaire pour comprendre l'homme qui y vit..."

De sa voix chuintante, un peu traînante, Charles Sigel retrace en deux heures de temps, entrecoupées de citations et d'interludes musicaux, les 60 années d'une vie déchirée par le doute et ravagée par la honte, d'une vie passée pour moitié dans la Vienne sucre et miel de la Belle Epoque, et moitié dans une Europe pleine de bruit et de fureur, celle des guerres et des pogroms.
Une biographie sans concession, au cours de laquelle sont évoqués les origines, la formation et les premiers succès littéraires de Stefan Zweig. Aussi les deux grands amours de sa vie et les amitiés sans frontière, notamment celle avec Romain Rolland, dont il est beaucoup question, et qui écrivait dans son journal intime, un jour d'avril 1919 : "Je ne connais pas d'amis qui ait, plus que Zweig, le culte profond et pieux de l'amitié. Elle est sa religion." Sa religion et sa béquille : "La disparition de Stefan m'a navré. Il a dû succomber à un moment de découragement [...] Il était trop loin de ses amis. Il avait besoin de communier avec eux", disait encore Romain Rolland, en mai 1942. (*)

Sensible, délicat et fragile, discret, élégant et subtil, Zweig aurait mérité de vivre centenaire dans l'ambiance feutrée d'un salon viennois. Il n'était pas taillé pour la lutte et l'action que requérait l'époque durant la seconde moitié de sa vie. Il lui aurait fallu une âme trempée dans l'acier mais elle était plus élastomère qu'une éponge toute neuve, aussi puisait-il chez autrui la force morale qui lui faisait défaut.
Foncièrement inapte aux combats, parfois pusillanime, souvent irrésolu, et cependant incapable de rester indifférent aux maux de son temps, il a forcé sa nature aussi longtemps qu'il a pu, et puis l'éponge a fini par s'user.
Pour découvrir, ou redécouvrir, cette personnalité ambiguë mais sacrément attachante, c'est ici :

Envie de déguster un strudel aux pommes ou de se promener dans les allées du Prater, c'est par là :

Et puis, outre Zweig et les Viennoiseries, l'Humeur Vagabonde de Charles Sigel s'est également penchée sur plusieurs dizaines de femmes et d'hommes ayant chacun marqué l'histoire des arts, des sciences ou de la politique.
Voilà la liste des émissions diffusées depuis janvier 2009, toutes disponibles à l'écoute sur www.rts.ch :








(*) Si la relation entre ces deux hommes de lettres intéresse, on pourra lire la thèse universitaire du professeur Dragoljub-Dragan Nedeljković, intitulée 'Romain Rolland-Stefan Zweig, affinités et influences littéraires et spirituelles (1910-1942)'.
Cette thèse de doctorat, soutenue à Strasbourg en 1957, s'appuie principalement sur la correspondance Zweig-Rolland, à savoir plusieurs centaines de lettres échangées durant trois décennies particulièrement riches en évènements tragiques : première guerre mondiale, révolution russe, montée puis triomphe des fascismes, anti-sémitisme et seconde guerre mondiale. Reflet d'une époque, elle révèle également les préoccupations et les évolutions de pensées de deux intellectuels pas toujours en accord : anti-militarisme, souci d'harmonie et de fraternité, attitude à l'égard de la révolution, construction de l'Europe, nécessité de l'action, rôle de l'art et mission de l'artiste.

Un autre bouquin qui vaut vraiment le coup d'œil, c'est le 'Journal des années de guerre de Romain Rolland (1914-1919)' : quasiment deux-mille pages d'actualités décryptées au jour le jour, de réflexions et  d'observations émanant d'un homme, l'un des seuls de l'époque, qui su préserver le regard clair et lucide au milieu du déchaînement des haines et des passions ; qui su également garder intacte son indépendance d'esprit quand ses contemporains, les uns après les autres, s'abandonnèrent à leur instinct grégaire ; d'un homme qui a des rues, des avenues, des boulevards, des squares, des cinémas, des théâtres, des cliniques, des hôpitaux, des bibliothèques, des crèches, des écoles, des résidences, des cités, des centres d'hébergement et même des gymnases qui portent son nom, mais que personne ne lit plus.
Imprimé sur papier bible aux éditions Albin-Michel en 1952, ce livre est disponible où ça, je vous le donne en mille... A la librairie l'Entropie, bien sûr !