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2013/07/27

Blaise Cendrars : Les Pâques à New York (audio mp3)


L’autre soir encore, en fouillant dans les rayons de l’Entropie, l'un des zigomars dénicha un livre assez rare, un in-8 en demi-basane au titre accrocheur : La France Juive, d'Edouard-Adolphe Drumont.
- Kékcékça ? fit-il, les yeux ronds comme deux pièces de 100 sous et la bouche en cul de poule.
- Hmm... hmm, répondit le taulier, tête basse et regard fuyant, sans doute un peu gêné qu'ait été découvert, chez lui, pareil immondice. 
- Eh bien quoi ? insista l'oiseau-lyre, que l'embarras du libraire amusait.
- Hmm... hmm, fit alors à nouveau celui-ci avant que d'enchaîner brillamment, le ton à la fois docte et patelin d'un gars qui connaît son affaire : "Publié à compte d'auteur, en 1886, chez Flammarion, La France Juive, sous-titré par l'auteur Essai d'histoire contemporaine, n'est en réalité qu'un pamphlet antisémite auprès duquel le Céline des Beaux Draps fait office d'enfant de chœur..."
Et tandis qu'il déballait d'une seule traite son encyclopédique érudition (nombre d'exemplaires vendus, contexte historique, réception auprès du public, etc.), l'autre ponctuait son propos de Ah ! et de Oh ! tout en feuilletant l'ouvrage d'un doigt compulsif. Puis, une fois achevé l'édifiant exposé, il s'éclaircit la gorge à son tour et nous fit lecture de certains passages :
- Le Juif, en effet, sent mauvais. Chez les plus huppés, il y a une odeur, fetor judaïca, un relent, dirait Zola, qui indique la race et qui les aide à se reconnaître entre eux (...)
Pour des nazillons de base, crânes-rasés et autres primates, ce sont là des vérités premières, d'éclatantes évidences, l'alpha et l'oméga de la pensée : le b.a.-ba des maux d'ici-bas. Mais pour nous autres, humanistes fins lettrés : des phrases tellement sottes et stupides qu'à les écouter ce soir-là il nous fut impossible de ne pas rire, quand bien même un peu jaune, comme l'étoile accrochée au revers des vestons...

 Jacques Probst              Blaise Cendrars
Quel rapport avec Cendrars ? Difficile à dire, ça m'est venu comme ça, par association d'idées : celle que dans les rayons de la librairie l'Entropie les livres rares et précieux côtoient l'abject et le tout-venant, et celle qu'ici aussi, sur ce blogue ami, parmi les platitudes et les banalités de son animateur principal, se déniche de temps à autre une perle rarissime ; en l'occurrence Les Pâques à New York : un enregistrement audio diffusé il y a longtemps déjà sur les ondes de la RTS et qu'on exhume aujourd'hui du fin fond de ses tiroirs.


Braise  et  Cendres
Introuvable ailleurs, cette lecture à haute et belle voix, celle de Jacques Probst, épouse à merveille et les sentiments du poète et le sens du poème, ou du moins l'idée qu'on s'en fait. Agé de seulement 25 ans lorsqu'il rédige ses Pâques à New York, Cendrars est déjà un vieux baroudeur ayant exercé mille métiers et fréquenté les milieux les plus divers à travers ses nombreux voyages. Là, errant dans les rues animées de la Nouvelle-York une nuit d'avril 1912, il est un peu perdu et pire que perdu : paumé, désespéré, au fond du trou. Pauvre comme Job, seul comme un chien galeux et affamé, dégoûté par la modernité, mais moderne lui-même, il est proprement déchiré. Alors il prie. Mais non pas à genoux au pied de son lit, à la façon d'un bon chrétien, non ! plutôt debout, les muscles bandés et la mâchoire crispée : Seigneur... Un cri à peine étouffé sort alors de sa gueule : c'est le jet du poète et l'envol du Phœnix.
Il y a tout ça et plus encore dans la voix de Jacques Probst, accompagnée ici par les claviers de Michel Wintsch et mise en onde par Jean-Michel Meyer.



2013/04/27

Olivier Chiacchiari : Hors-Jeu (Audio)

L'auteur : O. Chiacchiari
Fiction radiophonique interprétée par une vingtaine de comédiens, Hors-Jeu n'a rien à voir avec la 11ème loi du football, mais avec celle du marché de l'emploi, des restructurations d'entreprise, des licenciements collectif, du chômage longue durée et des individus en "fin de droit". C'est l'histoire d'Emile Dumont, un gestionnaire de fortune qui perd son job à 50 ans bien sonnés et dont on suit la chute inexorable, à travers des scènes de la vie quotidienne aux dialogues plutôt bien balancés.

L'acteur : J. Probst
Pour jouer le rôle d'Emile Dumont, dit Milo, un suisse polymorphe : le genevois Jacques Probst. A la fois dramaturge et comédien, celui-ci porte la pièce à bout de bras et m'a littéralement scotché l'oreille au player durant près d'une heure, tellement il gueule, bougonne et picole tout comme la cloche d'en bas de chez moi, un personnage là aussi haut en couleur, qui n'est pas né clochard mais qui l'est devenu, peut-être à la manière de cet Emile Dumont, que l'on découvre en train de feuilleter un journal d'offres d'emploi, puis qui décroche enfin son téléphone pour tenter une nouvelle fois sa chance, mais sans aucune illusion :

- Carrière bancaire à votre service, bonjour !
- Bonjour, je... j'appelle au sujet de votre annonce.
- Vous souhaitez travailler dans le secteur bancaire ?
- Je souhaite poursuivre ma carrière dans le secteur, oui.
- Quel âge avez-vous ?
- ...
- Monsieur ?
- Oui !
- Ah ! j'ai cru qu'on avait été coupé... Quel âge avez-vous ?
- 24 ans.
- 24 ans ! Parfait, magnifique, idéal !
- 24 ans d'expérience ! J'ai une certaine expérience, oui, une expérience certaine, même.
- Oui, bien sûr.
- Et avant mes 24 ans d'expérience, il se trouve que j'ai existé 29 ans, ce qui me fait 53 ans au total, qui ne sont pas venus d'un seul coup, figurez-vous !
- Oui, mais...
- J'ai existé année après année, toutes ces années, et je ne permets à personne de m'en faire le reproche.

Et toc ! Un peu plus tard, revenant bourré du dancing où il a fait la bringue, Emile réveille à 5h00 du matin l'ami qui l'héberge :

- Y te reste du whisky ? Ton malt d'Ecosse ?
- Je bosse, moi ! Je me lève tous les matins pour un salaire minable, et même si ça me plait pas je me force, et tu sais pourquoi ? Parce que je veux me maintenir à flots, rester dans le jeu, voilà pourquoi !
- Le gentil p'tit contribuable ! Si t'es assez con pour perdre ta vie à la gagner, pour t'faire exploiter par des types qui te foutront dehors quand y z'auront plus besoin de toi, ça te regarde.
- Pousse pas le bouchon trop loin !
- Parce qu'y te foutront dehors, au moment où tu t'y attendras le moins... y te balaieront d'un revers de main, en te disant que t'as le plus profil... y te jetteront après usage... y t'écraseront comme une punaise... et le gentil petit contribuable que t'es il aura plus que ses somnifères pour disparaître.

Emile est alors foutu dehors manu-militari, ce dont il a maintenant l'habitude, mais il lui reste encore à découvrir l'univers de la rue... C'est ici :

On peut retrouver l'auteur Olivier Chiacchiari (prononcer Kiakiari) dans une autre émission littéraire de la RTS, Entre les lignes, au cours de laquelle il évoque sa pièce et son acteur principal :

On peut aussi écouter Jacques Probst lire de sa voix éraillée l'un de ses propres textes, La lettre de New-York :

Ou encore celui-ci, sur la musique, contrebasse, piano et batterie, Un trio :

Et enfin, inspiré d'une nouvelle de Julio Cortazar, cet autre monologue sur le destin d'un boxeur argentin, El Torito (lu par Mauro Bellucci) :
http://www.rts.ch/espace-2/programmes/imaginaires/2806587-imaginaires-du-02-01-2011.html#2806588

A noter que les mises en ondes sont particulièrement soignées et toutes signées du réalisateur Jean-Michel Meyer, il convenait de le signaler.