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2015/06/13

Georges-Emmanuel Clancier : Le pain noir

« Le roman sauve la vie non pas en l'arrachant au temps mais, au contraire, en rendant sensible le mouvement du temps à travers une vie » (G.-E. Clancier)

Premier tome d'une suite romanesque en quatre volumes, le Pain noir retrace l'histoire d'une famille limougeaude dans la France dite de la Belle Epoque, entre la guerre de 1870 et celle de 1914, il y a de ça un peu plus d'un siècle, donc presque rien. 
En ce temps-là, l'espérance de vie d'un nouveau-né ne dépassait pas quarante ans : la vaccination balbutiait, la Sécu n'avait pas encore été inventée, ni les allocations familiales, la retraite pour tous et l'assurance chômage... Les français vivaient alors majoritairement à la campagne : ils étaient paysans pour la plupart, catholiques pratiquants, assujettis à toutes sortes d'autorités parce qu'illettrés, superstitieux, démunis, sans droit et sans recours... Les gosses, que l'on battait au besoin, commençaient à bosser dès avant dix ans pour des salaires de misère... Et les femmes, vieillies avant l'âge, n'avaient bien évidemment pas voix au chapitre. 
C'est donc cette "belle époque", son quotidien vu à travers les yeux d'une petite fille de sept ans au début du roman, Catherine Charron, que nous raconte ici Georges-Emmanuel Clancier. D'abord la vie à la métairie où, pour Cathie et ses frères, aux durs labeurs des champs succèdent quelques joies simples et naturelles, comme par exemple pêcher les gardèches des ruisseaux ou apprivoiser de petits animaux sauvages (ces premières pages rappelleront sans doute de bons souvenirs à ceux qui passaient leurs vacances dans la ferme de leurs grands-parents). Et puis, suite à une embrouille entre le père Charron et son maître, la famille doit migrer vers la ville où tout devient pour elle beaucoup plus difficile, notamment se nourrir, d'autant que deux nouvelles bouches à satisfaire viennent encore au monde. On voit alors la mère Charron, comme la Fantine des Misérables, céder ses longs cheveux contre quelques sous et gagner ainsi de quoi acheter deux ou trois jours de vivres... On voit aussi son époux et ses fils aînés s'exténuer à la tâche comme des bêtes de sommes... Mais on voit surtout grandir Catherine au milieu des siens et, grandissant, perdre peu à peu son innocence sous les coups de boutoir de la vie...

Le pain noir était un pain de seigle aussi dur que la pierre : les pauvres gens le trempait dans une écuelle de soupe-à-l'eau pour le ramollir et pouvoir l'avaler.

Le Pain Noir est un livre que l'on peut situer entre L'Assommoir de Zola et Le pays où l'on n'arrive jamais d'André Dhôtel : à mi-chemin du réalisme et du fantastique. Dommage toutefois que la tendresse de l'auteur pour ses personnages soit presque plus touchante que leur extrême pauvreté, aussi que l'écriture manque de force et qu'au final on reste un peu sur sa faim. Mon avis.

Georges-Emmanuel Clancier

Extrait :

(Francet, l'un des frères de Catherine, s'étant fait une mauvaise blessure à la
jambe, ses parent s'en sont allés prier au pied de la statue d'un saint, mais...)

[...] Ni le saint, ni le printemps revenu ne guérirent Francet. Un après-midi, Catherine vit entrer dans la cour du Mézy une voiture bleue aussi légère et élégante que le tilbury de M. Maneuf : un vieux, grand monsieur en descendit. Il avait un drôle de chapeau. Elle n'en avait jamais vu de ce genre, un chapeau noir qui paraissait dur et ressemblait aux cloches de verre sous lesquelles on plaçait les restes de fromage ou de lard. Le vieillard avait aussi une barbe blanche carrée, une chaîne de montre en or qui sautait sur son ventre lorsqu'il toussait ou parlait. Il paraissait inspirer aux parents un profond respect, de la crainte même.
— Monsieur le Médecin, disait la mère, Monsieur le Médecin, que faut-il faire ?
Le monsieur sévère ne répondait pas. Il passa dans la chambre, se fit montrer la jambe de Francet, la souleva, la palpa. Francet hurlait comme lorsque le guérisseur était venu. Catherine s'était plantée dans un coin, près de la pendule, elle tremblait à chaque cri que poussait son frère. Enfin, le monsieur revint à la cuisine, suivi des parents. Quand ils eurent refermé la porte de la chambre, il entra dans une terrible colère (de frayeur, Catherine s'accroupit derrière la pendule), une colère sans bruit, c'était cela qui était plus épouvantable encore, comme s'il ne voulait pas qu'on l'entendit au loin. Il parlait à voix basse mais on le sentait plein de cris à l'intérieur ; sa bouche s'ouvrait, se fermait, sa barbe tressautait, sa chaîne de montre bondissait sur son ventre et il levait les bras au ciel et les laissait retomber d'un coup et tout cela silencieusement. Les parents baissaient la tête.
Qu'allait-il leur faire ? se demandait Catherine avec angoisse. Les battre, les chasser, les conduire en prison ? il employait des mots bizarres.
— Responsable... s'il meurt ce sera votre faute... Vous m'appelez quand il est trop tard.
La mère se mit à pleurer, elle aussi sans bruit. Quel méchant homme ! Instinctivement, Catherine chercha autour d'elle un bâton pour aller le frapper. Elle n'en trouva pas, et quand elle regarda l'homme, de nouveau, elle le trouva changé. Il s'était assis devant la table, il tirait de sa poche une fiole noire, y trempa une plume et se mit à écrire.
— J'ai bien peur qu'il faille lui couper la jambe, dit-il doucement.
La mère poussa un long gémissement guttural ; le père se précipita derrière elle de crainte qu'elle ne tombât ; elle se pencha sur la table comme si elle eût été blessée.
— Jamais, dit-elle, jamais ; j'aime mieux le voir mort.
L'homme à la barbe blanche se releva, tapa sur l'épaule de la mère.
— Je ne voulais pas vous effrayer, mais que voulez-vous, l'enflure est très laide, le mal a gagné fort loin... Vous savez on vit avec une jambe en moins.
— Jamais, redit-elle.
— Tsst... Tsst... fit l'homme en hochant la tête. Je vais faire l'impossible, ajouta-t-il, mais je ne garantis rien.
Il alla à l'évier. Jean Charron courut chercher une serviette propre, une barre de savon noir qu'il tendit au vieillard, puis il passa de nouveau dans la chambre. Catherine entendit tinter des pièces que le père compta une à une dans la main fine du monsieur. Celui-ci remit son drôle de chapeau sur ses cheveux blancs.
— Faites-le bien manger, dit-il, qu'il ne bouge pas sa jambe malade sous aucun prétexte. Et les remèdes le plus tôt possible.
Il sortit accompagné du père. La mère s'affala sur la table, elle releva la tête lorsqu'elle sentit une petite main sur son cou. C'était Catherine.
— Il est vilain, l'homme, dit-elle.
A sa stupéfaction, la mère fit signe de la tête que non, puis, essuyant ses larmes avec un coin de son tablier, elle dit :
— Non, Catherine, c'est moi et ton père qui sommes des sots.
Elle prit la tête de Catherine entre ses mains ; plongea un regard affolé dans les yeux de la fillette.
— T'as entendu ce qu'a dit le docteur ?
— Quoi ?
— A propos de Francinet.
— Qu'il faudrait lui couper la... ?
— Catherine, écoute-moi, bien, jamais, tu entends, ne répète jamais ça à ton frère, ni à Martial, ni à Aubin. A personne, tu entends, à personne.
Les mains serraient la tête de l'enfant, et les yeux rougis, les yeux hagards, à la fois ordonnaient et suppliaient.
— Jamais, dit la petite.
Puis, quand la mère l'eut lâchée, elle ajouta, songeant au mal de Francet, à cet homme étrange et coléreux qui menaçait les parents et parlait de couper les jambes, songeant encore au mauvais saint, à sa colline d'où l'on découvrait le monde, elle ajouta, si bas qu'elle fut seule à s'entendre :
— Mais enfin, qu'est-ce qui nous arrive là ?

G.-E. Clancier : Le pain noir (1956)
Aux Editions J'ai Lu

Le pain noir (adaptation radiophonique d'Henri-Charles Richard, 1958) :


La fabrique du roi (adaptation radiophonique d'Henri-Charles Richard, 1967) :


2014/04/20

14-18 : Magazine mensuel de la première guerre mondiale (Audio)

Troisième et dernière page de publicité pour l'Institut National de l'Audiovisuel, qui met à la disposition du public (généreusement pour l'instant) une série de 37 émissions radiophoniques comme la radio FM n'en fait plus depuis longtemps. Pensez, soixante-sept heures d'antenne au total sur un seul et même sujet : la guerre ! Et puis une si riche quantité d'intervenants qu'on a parfois l'impression d'assister à un défilé de régiment ! Et pas n'importe qui, hein, rien que du beau linge, grands écrivains, grands historiens, grands témoins de la Grande Guerre, et parfois les trois choses en même temps : Pierre Abraham, Emmanuel Berl, Georges Blond, André Chamson, Jacques Chastenet, René Cheval, Henry Contamine, Roland Dorgeles, André Ducasse, Georges Duhamel, Jean-Baptiste Duroselle, Raymond Escholier, Marc Ferro, Maurice Genevoix, Jean Guehenno, Douglas Haig, Annie Kriegel, Ernest Labrousse, Pierre Mac Orlan, Henri Massis, André Maurois, Jacques Meyer, Henry de Montherlant, Paul Morand, René Naegelen, René-Gustave Nobécourt, Pierre Paraf, Guy Pedroncini, Gabriel Perreux, André Pézard, Pierre Renouvin, Jules Romains, Louise Weiss, etc, etc... Et puis z'aussi une très bonne mise en scène et d'excellentes lectures, toutes effectuées par les sociétaires de la Comédie Française qu'étaient : Michel Bouquet, Jean Brunel, Jean-Roger Caussimon, François Chaumette, Henri Cremieux, Jean Davy, René Farabet, Patrice Galbeau, Daniel Ivernel, Odile Mallet, Jean Negroni, Nathalie Nerval, Robert Party, Jean Péméjat, François Perier, Jean Topart, Michel Vitold, etc, etc, un plateau de rois, oui monsieur ! Voilà, voilà, c'était une production de l'ancienne O.R.T.F, toujours à l'occasion du cinquantenaire de l'armistice, donc en 1968, il y a déjà presque un demi-siècle, du temps du Général-à-vos-ordres, dans une France qui comptait encore plusieurs milliers d'anciens combattants et quelques millions de jeunes chevelus échevelés ! Un choc de culture, en somme...

Ci-dessous le sommaire des 37 émissions, toutes disponibles à l'écoute par-ici :

  • 01 : L'hiver 14-15
  • 02 : Les Dardanelles
  • 03 : Mai 1915
  • 04 : L'Italie en guerre
  • 05 : L'Eté 1915
  • 06 : L'attaque du 25 septembre 1915
  • 07 : Les Balkans en 1915
  • 08 : L'arrière 1914-1915
  • 09 : Les blessés
  • 10 : Romain Rolland et la guerre
  • 11 : L'attaque allemande du 21 février 1916
  • 12 : Verdun (février-mars 1916)
  • 13 : L'Angleterre en guerre
  • 14 : Verdun (avril-juin 1916)
  • 15 : Verdun (juin-août 1916)
  • 16 : L'offensive de la Somme
  • 17 : Verdun, la riposte française (août-septembre 1916)
  • 18 : La coalition alliée en 1916
  • 19 : La crise politique française en 1916
  • 20 : Noël 1916
  • 21 : La guerre sous-marine
  • 22 : La révolution russe et l'opinion française
  • 23 : L'offensive du chemin des dames (16 avril 1917)
  • 24 : Les mutineries (avril-septembre 1917)
  • 25 : L'Amérique en guerre en 1917
  • 26 : Le monde en 1917
  • 27 : Le Pape et la paix
  • 28 : Lénine et la Révolution d'Octobre 1917
  • 29 : Les Balkans en 1917
  • 30 : Brest-Litovsk et les 14 points du président Wilson
  • 31 : L'Italie et le Moyen-Orient (février-mars 1918)
  • 32 : Le commandement unique et la Bertha
  • 33 : L'Angleterre au combat
  • 34 : Le 2ème désastre du Chemin des Dames (mai 1918)
  • 35 : Le tournant de 1918
  • 36 : L'effort de l'Amérique et le déclin de l'Allemagne (septembre 1918)
  • 37 : Le succès des armées d'Orient (septembre-octobre-novembre 1918)

2014/04/19

Maurice Genevoix : Ceux de 14 (Audio)

« Je souhaite que d'anciens combattants, à lire ces pages de souvenirs, y retrouvent un peu d'eux-mêmes et de ceux qu'ils furent un jour ; et que d'autres peut-être, ayant achevé de lire, songent, ne serait-ce qu'un instant : "C'est vrai, pourtant. Cela existait, pourtant." » (Maurice Genevoix, dans sa préface à l'édition originale des Eparges)

« Aucun réquisitoire contre la guerre n'atteint la puissance de ce récit, de ce constat modeste, mesuré, terriblement précis... Sans élever le ton, Genevoix raconte l'horreur quotidienne » (Paul Guimard)

Couverture de J.L. Lefort
Front de Somme (1916)
Lorsque les troupes allemandes envahissent la Belgique, le 4 août 1914,  Maurice Genevoix est alors âgé de 24 ans. Elève à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, et passionné de littérature, il prépare avec assiduité une agrégation de lettres modernes, se destinant sans doute à une longue et brillante carrière universitaire... Mais trois semaines après les premiers échanges de coups de feu en territoire belge, le sous-lieutenant Genevoix se retrouve à son tour sur le Front, en Argonne, où il assiste impuissant à la déroute des armées françaises, ainsi qu'à l'exode des populations civiles : villages bombardés, maisons incendiées, dévastées, pillées, etc. Durant les huit mois suivants, il affronte courageusement la mitraille à de multiples reprises, notamment lors de la bataille de la Marne, avant que d'être atteint au bras et au flanc par trois balles allemandes, qui le laissent ko du côté de Calonne et surtout handicapé pour le restant de ses jours. La guerre est donc finie pour lui en avril 1915. Enfin, finie... finie, ça c'est vite dit. Car pour tous ceux qui l'ont vécu et qui en sont revenu, la guerre n'a jamais cessé : elle a hanté leur mémoire jour après jour jusqu'à leur dernière nuit.
Allongé sur un lit d'hôpital, le corps meurtri, Maurice Genevoix commence à relire les notes qu'il a prises sur son petit carnet quadrillé dès les premiers jours du conflit. Pour l'instant il ne sait pas trop quoi en faire de ces foutues notes. Alors il les relit... encore... encore... et c'est son ami Paul Dupuy, un vieux professeur d'histoire-géo de l'E.N.S, qui l'incite à écrire un livre à partir de ses gribouillis. Eh bien, allons-y ! En avant ! lui répond Genevoix. Et il s'atèle si bien à la tâche que, dès avril 1916, Sous Verdun fleurit déjà dans les bacs des librairies Hachette et Cie. Un gros succès. Puis viennent ensuite Nuits de Guerre (1917), Au Seuil des Guitounes (1918), La Boue (1921) et enfin Les Eparges (1923), cinq récits chronologiques aujourd'hui regroupés en un seul volume : Ceux de 14. C'est un grand classique de la littérature de guerre, le mètre-étalon des témoignages auprès duquel tous les autres font plutôt pâle figure, il faut bien le reconnaître. Sans doute parce que d'entre tous, Genevoix est celui qui a trouvé le ton le plus juste, qu'il n'en fait ni trop ni trop peu, retranscrivant la réalité et rien que la réalité, sans effet de style à la façon de L.-F. Céline, ou de lyrisme anti-militariste à la manière de Barbusse :

« Barque et Biquet sont troués au ventre, Eudore à la gorge. En les traînant et en les transportant, on les a encore abîmés. Le gros Lamuse, vide de sang, avait une figure tuméfiée et plissée dont les yeux s'enfonçaient graduellement dans leurs trous, l'un plus que l'autre. On l'a entouré d'une toile de tente qui se trempe d'une tache noirâtre à la place du cou. Il a eu l'épaule droite hachée par plusieurs balles et le bras ne tient plus que par des lanières d'étoffe de la manche et des ficelles qu'on y a mises. La première nuit qu'on l'a placé là, ce bras pendait hors du tas des morts et sa main jaune, recroquevillée sur une poignée de terre, touchait les figures des passants. On a épinglé le bras à la capote. Un nuage de pestilence commence à se balancer sur les restes de ces créatures avec lesquelles on a si étroitement vécu, si longtemps souffert.
Quand nous les voyons, nous disons : "Ils sont morts tous les quatre." Mais ils sont trop déformés pour que nous pensions vraiment : "Ce sont eux." Et il faut se détourner de ces monstres immobiles pour éprouver le vide qu'ils laissent entre nous et les choses communes qui sont déchirées. » (Henri Barbusse, Le Feu, journal d'une escouade, 1916)

« Le colonel avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l'explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s'embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours mais le cavalier n'avait plus sa tête, rien qu'une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c'était arrivé. Tant pis pour lui ! S'il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé. » (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932)

« Il y a des cadavres autour de nous, partout. Un surtout, épouvantable, duquel j'ai peine à détacher mes yeux : il est couché près d'un trou d'obus. La tête est décollée du tronc, et par une plaie énorme qui bée au ventre, les entrailles ont glissé à terre ; elles sont noires. Près de lui, un sergent serre encore dans sa main la crosse de son fusil ; le canon, le mécanisme doivent avoir sauté au loin. L'homme a les deux jambes allongées, et pourtant un de ses pieds dépasse l'autre : la jambe est broyée. Tant d'autres ! Il faut continuer à les voir, à respirer cet air fétide, jusqu'à la nuit. » (Maurice Genevoix, Sous Verdun, 1916)

Parti à la guerre en tant qu'étudiant et futur enseignant, Maurice Genevoix en est revenu huit mois plus tard profondément blessé, reconnu par l'armée invalide à 70%... et romancier.

En novembre 1968, à l'occasion du cinquantenaire de l'armistice, l'ORTF diffusait à l'antenne une série de cinq dramatiques adaptées d'après Ceux de 14.
Aujourd'hui, grâce à l'INA, les cinq épisodes d'une trentaine de minutes chacun (3h35mn au total) sont audibles ici.

Et pour qui veut en écouter seulement un extrait, c'est là :



2014/04/12

Jules Romains : Les Hommes de Bonne Volonté (Audio)

« Jamais tant d'hommes à la fois n'avaient dit adieu à leur famille et à leur maison pour commencer une guerre les uns contre les autres. Jamais non plus des soldats n'étaient partis pour les champs de bataille, mieux persuadés que l'affaire les concernait personnellement. Tous ne jubilaient pas, tous ne fleurissaient pas les wagons ou ne les couvraient pas d'inscriptions gaillardes. Beaucoup ne regardaient pas sans arrière-pensées les paysans qui, venus le long des voies, saluaient un peu trop gravement ces trains remplis d'hommes jeunes » (J. Romains, Prélude à Verdun)

Du prix de l'Académie Goncourt décerné en 1915 à René Benjamin pour son Gaspard soldat français, jusqu'à Pierre Lemaitre et son Au revoir là-haut, couronné en novembre 2013, la masse de romans ayant pour thème la Première Guerre Mondiale est tellement kolossale qu'elle pourrait occuper à elle seule plusieurs pans d'une vaste et belle bibliothèque. On y trouverait forcément du bon et du moins bon, on y croiserait quelques auteurs connus cernés par un bataillon d'anonymes et d'oubliés, et puis on y verrait aussi du flambant neuf, des inédits sentant encore la colle et l'encre fraîche, adossés à de vieux octavos défraîchis aux relents de moisi... une bibliothèque, quoi.
Quiconque a beaucoup lu sur le sujet est naturellement tenté d'établir une espèce de classement, eins-zwei-drei, le top-ten des meilleurs récits, the best-of world war : 1/ Léon Werth, 2/ Henri Barbusse... Mais faut pas. En revanche, rien n'empêche de signaler telles ou telles lectures qui, bien que rarement citées dans les bibliographies consacrées au conflit, nous paraissent indispensables à sa bonne compréhension. Ainsi des 15ème et 16ème tome des Hommes de bonne volonté, de Jules Romains, à savoir Prélude à Verdun et Verdun, deux volumes écrits en 1938 par un "non-combattant" (âgé de 29 ans lors de la mobilisation, Jules Romains, malade, fut affecté aux Services Auxiliaires de l'armée et n'a donc pas vraiment "vécu" la guerre). Toutefois, en historien scrupuleux mâtiné d'écrivain talentueux, les personnages qu'il décrit, tout comme les scènes qu'il dépeint sonnent toutes juste et vrai... on y croit.
Et puis Jules Romains ajoute encore à ses qualités de romancier, d'historien, de poète et de dramaturge, celles d'un grand comédien. Il faut en effet l'écouter dans des enregistrements sonores effectués pour la Radio-Télévision-Française en 1952, l'écouter présenter les 27 volumes de son oeuvre maîtresse, mais surtout l'écouter en lire de très larges extraits, de sa parfaite diction, adaptant sa voix et ses intonations au gré des personnages qu'il interprète avec un plaisir évident, et notamment ici (de la 15ème à la 20ème minute : un régal).
Et puis Les Hommes de bonne volonté, c'est enfin l'illustration par l'exemple d'une théorie littéraire attachée au nom de Jules Romains : l'unanimisme. Théorie selon laquelle l'écrivain doit exprimer la vie unanime et collective de l'âme des groupes humains et ne peindre l'individu que pris dans ses rapports sociaux. Or, pour l'illustrer, cette théorie, quoi de plus judicieux qu'une mobilisation générale et ses emballements collectifs ; quoi de plus idoine qu'une guerre mondiale englobant pour la première fois l'ensemble de la société ; et quoi de mieux approprié que cette grande mêlée qui eut lieu du 21 février au 19 décembre 1916 sur les bords de la Meuse.

Prélude à Verdun & Verdun :



L'intégralité des 28 émissions d'une trentaine de minutes chacune (13h08mn au total) est disponible ici, sur le site de l'INA.

2014/01/09

Thomas Mann : La Mort à Venise (Audio)


L'auteur : né en 1875 et décédé en 1955, Thomas Mann a été lauréat du prix Nobel de littérature en 1929, nonobstant ses prises de positions franchement bellicistes durant la première guerre mondiale, une guerre qu'il accueillit d'ailleurs avec enthousiasme, tant celle-ci était supposée redonner élan et vitalité à une société beaucoup trop décadente à son goût. Ainsi, en novembre 1914, il publiait dans la revue Neue Rundschau un article intitulé Pensées de Guerre (Gedanken im Kriege), dans lequel il glorifiait non seulement le militarisme allemand, mais attribuait également au conflit des vertus émancipatrice et purificatrice, dénonçait pêle-mêle l'universalisme des Lumières, leur stérile humanisme et leur raison raisonnante, le tout s'opposant bien évidemment à la force vitale et presque sauvage du peuple Allemand. 

"Il n'est pas simple d'être un Allemand, disait-il, pas aussi commode que d'être un Anglais, de beaucoup moins distingué et agréable que d'être un Français. Ce peuple a de la peine avec lui-même, il s'interroge, il souffre de lui parfois jusqu'au dégoût ; mais parmi les individus et les peuples, ceux-là valent le plus qui ont le plus de peine." (Thomas Mann, Gedanken im Kriege, cité par Romain Rolland dans son Journal des années de guerre 1914-1919)

L'histoire : publiée en 1912, la nouvelle Mort à Venise retrace les romantiques aventures d'un écrivain âgé d'environ cinquante ans, Gustav Von Aschenbach, qui lui aussi, malgré sa vie plutôt confortable, s'ennuie, souffre et s'interroge. Se décidant alors à quitter les beaux quartiers de Munich pour un séjour de quelques semaines à Venise, il y fera la connaissance de Tadzio, un jeune adolescent polonais dont il tombera bientôt éperdument amoureux. Et tandis qu'une épidémie de choléra se déclarera dans la Sérénissime, Gustav Von Aschenbach, fasciné par la beauté et la vitalité du jeune éphèbe, restera à le contempler malgré la mort qui rôde... et qui l'emportera.

La lecture : effectuée par le comédien Georges Béjean, en 1988, pour une maison d'édition aujourd'hui disparue "La voix de son livre" (durée : 3h30).

2013/11/22

Max Gallo : Ils ont fait la France (audio)

Entre octobre 2011 et novembre 2012, le Figaro et l'Express diffusèrent en kiosque une série de 30 volumes consacrés aux grands personnages qui, selon eux, avaient fait la France : 27 hommes et seulement 3 femmes.
A l'occasion de cette parution, Max Gallo, le directeur de l'édition, était intervenu au micro de Sandrine Marcy pour raconter en un peu plus de 3mn à chaque fois l'histoire de 20 d'entre-eux :

  • Vercingétorix (le roi des héros, l'ébauche de la nation...)
  • Clovis (le constructeur de la France, un pays chrétien...)
  • Charlemagne (le grand empereur de l'Occident catholique...)
  • Saint-Louis (le rayonnement français : les Croisades, la Sainte-Chapelle, Notre-Dame...)
  • Jeanne d'Arc (l'envoyée de Dieu, condamnée pour hérésie, puis canonisée...)
  • François 1er (Marignan 1515 : les guerres, la Renaissance et ses châteaux...)
  • Catherine de Médicis (la reine-mère, responsable non-coupable de la Saint-Barth'...)
  • Henri IV (le bon roi de France, l'édit de Nantes, la poule au pot...)
  • Richelieu (la raison d'Etat, l'éminence grise et la robe rouge dégoulinante de sang...)
  • Louis XIV (la monarchie absolue, de droit divin, et les plus belles jambes du royaume...)
  • Marie-Antoinette (la mal-aimée, le faste de Versailles, les fêtes et puis la guillotine...)
  • Napoléon Bonaparte (personnage mythique, le français le plus connu dans le monde...)
  • Danton et Robespierre (l'un c'est le vice, l'autre un malade atteint de pathologie...)
  • Napoléon III (le 1er président de la République française, la perte de l'Alsace-Lorraine...)
  • Victor Hugo (le parti pris pour les pauvres, les humbles : un géant de la littérature...)
  • Jean Jaurès (figure de proue du socialisme, malgré une vision religieuse de la vie...)
  • Georges Clemenceau (l'action et l'énergie, moitié anarchiste, moitié conservateur...)
  • Les Poilus (le sentiment charnel de défendre sa terre et le sacrifice de sa vie...)
  • De Gaulle (un homme exceptionnel et hors du commun, le + grand français du 20è siècle)
  • Jean Moulin (l'éloge de la Résistance et de ses héros, sans dire un mot sur les collabos)

Exit les grandes figures d'une tradition pourtant bien française elle aussi, celle des canuts lyonnais, de Louise Michel et de Toussaint Louverture. Ne figurent pas non plus au rang des bâtisseurs de la France les millions de travailleurs immigrés qui ont goudronné ses routes, construit ses maisons, ses écoles, ses hôpitaux. Et rien non plus sur Lavoisier, Louis Pasteur ou Marie Curie. C'est l'Histoire-à-la-papa, façon Lavisse et consorts, la France vue du Figaro, donc forcément blanche, conservatrice et chrétienne : plutôt bigote que rabelaisienne, semble-t-il. Et pour chanter les louanges de cette France-là, monsieur, qui mieux qu'un barde amoureux :



L'intégralité de la série est téléchargeable ici.

2013/10/05

Céline : L'extraordinaire épopée de Ferdinand Bardamu (audio)




J'ai adoré Céline durant des années. De Semmeilweis à Rigodon j'ai presque tout lu, relu et re-relu, y compris ses trois pamphlets qu'on trouvait déjà sous le manteau, notamment au marché des livres anciens de la rue Brancion, sous les halles désaffectées d'un ancien abattoir. Me souviens aussi avoir plus d'une fois minimisé auprès de mes amis l'antisémitisme du génialissime écrivain : faut pas tout mélanger, tu comprends, y a le Céline des Beaux Draps, pis y a çui du Voyage, ça n'a rien à voir et blablabla... Des contorsions d'acrobate, oui ! J'en sortais d'ailleurs tout contusionné, un peu gêné aux entournures, mal dans ma peau, vraiment, mais c'était plus fort que moi, j'étais accro à ses petits points, sa petite musique, son "rendu" émotif, qu'on disait... et pas moyen de décrocher, voyez-vous, toujours je replongeais ! Suis même allé voir l'Eglise, le premier jus du Voyage, monté par J.-L. Martinelli au théâtre des Amandiers — avec Berling dans le rôle de Bardamu et J.P. Sentier dans celui de Pistil —, un plutôt bon souvenir on en garde, d'autant qu'en excellente compagnie nous étions alors. Et puis c'est comme le reste : un jour la magie disparaît et ce qu'on aimait on ne l'aime plus. Du tout. M'en suis rendu compte en voulant le relire encore une fois. Pour voir. J'ai vu et, crois-moi si tu veux, mais j'étais plus du tout célino-compatible. Finis les grands frissons, les transes épileptiques, les emballements cardiaques et cétéra : j'avais perdu la foi, tout simplement. J'étais non seulement devenu insensible à son style, mais aussi allergique à sa vision du monde, écœuré par sa manière de toujours et encore rabaisser les hommes, sans doute pour mieux leur cracher dessus... bref, j'étais devenu tu sais quoi : un phi-lan-thro-pe.

De cette époque il me reste une quinzaine de bouquins, ainsi qu'une cassette audio que j'ai numérisée à l'attention de mes amis célino-dépendants :
http://www.mediafire.com/?9d7ar0l6kbwheke
On y entend la voix d'André Dunand dans L’extraordinaire épopée de Ferdinand Bardamu, un spectacle d'1h38mn composé d'extraits du Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et D'un château l'autre, le tout dans une mise en scène de Marie-Françoise et Jean-Claude Broche. C'était en 1991, à Paris, au théâtre du Roseau (devenu aujourd'hui du Renard).
Bon vent...


2013/09/19

Amado - Chaumette : Quinquin (livre audio)

On trouvera ci-dessous le seul enregistrement audio jamais réalisé d'un texte de Jorge Amado, et commercialisé qui plus est sur bandes magnétiques, autant dire d'un temps que les moins de vingt ans... Même France-Culture, pourtant si prolixe en adaptations radiophoniques, s'en désintéresse à un point que c'en est pas croyable. Et pourquoi ? Voilà ce que j'aimerais bien savoir ! D'autant qu'à mon avis la plupart des livres d'Amado se prêtent admirablement bien à une lecture à haute et intelligible voix, comme ici celle de l'acteur FrançoisChaumette.

D'abord un court extrait, pour se rincer la bouche et parce qu'il me fait irrésistiblement penser à certaines de mes connaissances... qui se reconnaitront :



Et puis, pour qui aime la piquette et les sons légèrement saturés, voici la lecture intégrale, écoutable ou téléchargeable ici (2h00 - 110 Mo - 128 kb/s - enceintes et caisson de basse conseillés pour un meilleur confort d'écoute) :

http://www.mediafire.com/listen/5nh8azpnn52fzom/Amado-Les_deux_morts_de_Quinquin_La_Flotte.mp3

2013/07/27

Blaise Cendrars : Les Pâques à New York (audio mp3)


L’autre soir encore, en fouillant dans les rayons de l’Entropie, l'un des zigomars dénicha un livre assez rare, un in-8 en demi-basane au titre accrocheur : La France Juive, d'Edouard-Adolphe Drumont.
- Kékcékça ? fit-il, les yeux ronds comme deux pièces de 100 sous et la bouche en cul de poule.
- Hmm... hmm, répondit le taulier, tête basse et regard fuyant, sans doute un peu gêné qu'ait été découvert, chez lui, pareil immondice. 
- Eh bien quoi ? insista l'oiseau-lyre, que l'embarras du libraire amusait.
- Hmm... hmm, fit alors à nouveau celui-ci avant que d'enchaîner brillamment, le ton à la fois docte et patelin d'un gars qui connaît son affaire : "Publié à compte d'auteur, en 1886, chez Flammarion, La France Juive, sous-titré par l'auteur Essai d'histoire contemporaine, n'est en réalité qu'un pamphlet antisémite auprès duquel le Céline des Beaux Draps fait office d'enfant de chœur..."
Et tandis qu'il déballait d'une seule traite son encyclopédique érudition (nombre d'exemplaires vendus, contexte historique, réception auprès du public, etc.), l'autre ponctuait son propos de Ah ! et de Oh ! tout en feuilletant l'ouvrage d'un doigt compulsif. Puis, une fois achevé l'édifiant exposé, il s'éclaircit la gorge à son tour et nous fit lecture de certains passages :
- Le Juif, en effet, sent mauvais. Chez les plus huppés, il y a une odeur, fetor judaïca, un relent, dirait Zola, qui indique la race et qui les aide à se reconnaître entre eux (...)
Pour des nazillons de base, crânes-rasés et autres primates, ce sont là des vérités premières, d'éclatantes évidences, l'alpha et l'oméga de la pensée : le b.a.-ba des maux d'ici-bas. Mais pour nous autres, humanistes fins lettrés : des phrases tellement sottes et stupides qu'à les écouter ce soir-là il nous fut impossible de ne pas rire, quand bien même un peu jaune, comme l'étoile accrochée au revers des vestons...

 Jacques Probst              Blaise Cendrars
Quel rapport avec Cendrars ? Difficile à dire, ça m'est venu comme ça, par association d'idées : celle que dans les rayons de la librairie l'Entropie les livres rares et précieux côtoient l'abject et le tout-venant, et celle qu'ici aussi, sur ce blogue ami, parmi les platitudes et les banalités de son animateur principal, se déniche de temps à autre une perle rarissime ; en l'occurrence Les Pâques à New York : un enregistrement audio diffusé il y a longtemps déjà sur les ondes de la RTS et qu'on exhume aujourd'hui du fin fond de ses tiroirs.


Braise  et  Cendres
Introuvable ailleurs, cette lecture à haute et belle voix, celle de Jacques Probst, épouse à merveille et les sentiments du poète et le sens du poème, ou du moins l'idée qu'on s'en fait. Agé de seulement 25 ans lorsqu'il rédige ses Pâques à New York, Cendrars est déjà un vieux baroudeur ayant exercé mille métiers et fréquenté les milieux les plus divers à travers ses nombreux voyages. Là, errant dans les rues animées de la Nouvelle-York une nuit d'avril 1912, il est un peu perdu et pire que perdu : paumé, désespéré, au fond du trou. Pauvre comme Job, seul comme un chien galeux et affamé, dégoûté par la modernité, mais moderne lui-même, il est proprement déchiré. Alors il prie. Mais non pas à genoux au pied de son lit, à la façon d'un bon chrétien, non ! plutôt debout, les muscles bandés et la mâchoire crispée : Seigneur... Un cri à peine étouffé sort alors de sa gueule : c'est le jet du poète et l'envol du Phœnix.
Il y a tout ça et plus encore dans la voix de Jacques Probst, accompagnée ici par les claviers de Michel Wintsch et mise en onde par Jean-Michel Meyer.



2013/06/07

Au fil de l'histoire : Stefan Zweig (Radio)

Mourir à Petrópolis : Une assez bonne fiction radiophonique sur le natif d'Autriche-Hongrie inhumé au Brésil. Le texte est de Léo Koesten et la réalisation de Jacques Taroni, avec Mohamed Rouabhi (Stefan), Sophie Froissard (Lotte) et Vincent Grass (Romain Rolland).

http://www.franceinter.fr/emission-au-fil-de-lhistoire-mourir-a-petropolis

La dernière lettre de Stefan Zweig, le 22 février 1942 :

Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec toute ma raison, il me faut remplir un dernier devoir : remercier sincèrement le Brésil, ce merveilleux pays, de m'avoir offert à moi, et à mon travail, une halte si agréable et si hospitalière. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage. Nulle part ailleurs j'aurais voulu reconstruire ma vie de fond en comble. Puisque le monde de ma propre langue est perdu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'anéantit à elle-même. Mais il fallait, à 60 ans, des forces exceptionnelles pour tout recommencer à nouveau. Et les miennes sont épuisées par des années d'errance sans patrie. Aussi, je juge préférable de mettre fin, à temps, la tête haute, à une vie où le travail intellectuel a toujours représenté la joie la plus pure et la liberté individuelle, le bien suprême sur cette terre.

Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore les lueurs de l'aube après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux.

En fouillant les archives de l'émission, on en trouvera quelques-unes consacrées aux écrivains/vaines : 
  • Albert Londres  (Grand reporter)
  • Alexandre Soljenitsyne  (La parution de l’Archipel du goulag)
  • André Malraux  (Un écrivain dans l'histoire)
  • Edgar Allan Poe (Les derniers jours)
  • Elsa Triolet  (Les yeux d'Elsa)
  • Ernest Hemingway  (42-44, la guerre à la papa)
  • François Rabelais  (Maître de l'absurde)
  • Gustave Flaubert  (Un touriste en Bretagne)
  • Honoré de Balzac  (La dernière nuit)
  • Irène Némirovski  (Le dernier roman d'Irène)
  • Jacques Prévert  (Le groupe octobre et Jacques Prévert)
  • Oscar Wilde  (Au pilori)
  • Raymond Radiguet  (La naissance d'un génie)
  • Simone de Beauvoir  (Le scandale du deuxième sexe)
  • Stefan Zweig  (Mourir à Petropolis)

2013/05/06

Romain Rolland : liens audio mp3

Le Gaulois - Août 1915
Calomnié par la presse ou vilipendé par l'Académie, insulté par les nervis de l'A.F ou dénigré par les vieux barbons de la Sorbonne, Romain Rolland est toujours resté digne et droit, fidèle à ses principes, un grand bonhomme.

On trouvera à l'adresse ci-dessous une série d'émissions radiophoniques qui lui furent consacrées entre 1946 et 2013, ainsi que des enregistrements des années trente qui permettent d'écouter sa voix :

http://www.mediafire.com/?d960qr4tug6gk


Une compilation d'enregistrements sonores où l'on entend causer Romain Rolland (11mn)
Sa vie, son appel au peuple d'Espagne, sa visite au pays des soviets et son Colas Breugnon.

Un homme, une oeuvre (29mn)
Le 7 novembre 1946.
Une production de Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet.
Avec : Jean Cassou, Francis Jourdain, Jean-Richard Bloch, René Arcos et Gustave Samazeuilh.


En 1ère lecture : Journal des années de guerre (1h04mn)
Le 24 novembre 1952.
Une excellente émission de Pierre Sipriot, avec les voix de Michel Bouquet, Jean Mercure et Bernard Véron.

Heure de la culture française (10mn)
Le 20 décembre 1963.
Une critique littéraire de Mlle Françoise Reiss, sur la thèse de René Cheval : Romain Rolland, l'Allemagne et la guerre.

Romain Rolland et l'Allemagne (1h06mn)
Le 6 décembre 1964.
Une émission de Georges Charbonnier, avec les témoignages de René Cheval et Jean Guéhenno (lectures de François Chaumette, Michel Etcheverry et Michel Bouquet).

Une vie, une oeuvre : La sensation océanique (1h21mn)
Le 27 octobre 1994, sur France Culture.
Une émission de Bénédicte Niogret, avec Yves Jeanneret, Madeleine et Henri Vermorel, Michel Hulin, Bernard Duchatelet, Francis Doré et Marie-Laure Prévost.

Au fil des pages : Claudel-Rolland (44mn) 
Le 28 avril 2006, sur Canal Académie.
Une émission de Christine Henneguier, intitulée Une amitié perdue et retrouvée, avec Gérald Antoine.

L'Humeur vagabonde : Un intellectuel en politique (1h06mn)
Le 9 janvier 2010, sur la RTS (Espace 2).
Une biographie complète et détaillée, présentée par Charles Sigel.

Musique en mémoire : Des mots sous les notes (2h40mn)
Du 24 au 29 janvier 2011, sur la RTS (Espace 2).

Une émission de Jean-Luc Rieder, au cours de laquelle Alain Corbellari retrace la carrière de musicologue qu'était aussi Romain Rolland, auteur d'une impressionnante monographie sur Beethoven, d'un Haendel et d'un Voyage musical au pays du passé, entre autres choses.

Je déballe ma bibliothèque (9mn)
Le 10 septembre 2012, sur France Culture.
Quelques passages de Jean-Christophe, lus par le comédien et metteur en scène Hervé Pierre.

Ecrivains nivernais : Les journées internationales (17mn)
Le 11 octobre 2012, sur RCF.
Une émission de Maylis Dessaut : cinq courtes évocations de l'écrivain de Clamecy, avec Serge Duret, Elizabeth Giulani, Yves Jeanneret, Monique Dupont-Sagorin et Martine Liégeois, la présidente de l'Association.

Les oubliettes du temps (4mn)
Le 29 janvier 2013, sur France Inter.
Une courte présentation de Romain Rolland, par l'historien François Comba.

2013/05/03

Charles Sigel : biographie Stefan Zweig (Audio)

La récente élection au fauteuil N°33 de madame Dominique Bona, auteur d'une biographie sur Stefan Zweig (L'ami blessé), me donne l'occasion de signaler ici une autre toute bonne émission de la Radio Télévision Suisse, L'humeur vagabonde, elle aussi consacrée à l'humaniste autrichien :

"Oui, raconter Stefan Zweig, c'est forcément raconter l'époque de Zweig, c'est raconter le passage d'un monde à un autre. Il est né en 1881, donc il vient du monde d'hier - die welt von gestern, c'est le titre de ses souvenirs - et il se donne la mort au Brésil en 1942. Toute l'atmosphère d'une époque est nécessaire pour comprendre l'homme qui y vit..."

De sa voix chuintante, un peu traînante, Charles Sigel retrace en deux heures de temps, entrecoupées de citations et d'interludes musicaux, les 60 années d'une vie déchirée par le doute et ravagée par la honte, d'une vie passée pour moitié dans la Vienne sucre et miel de la Belle Epoque, et moitié dans une Europe pleine de bruit et de fureur, celle des guerres et des pogroms.
Une biographie sans concession, au cours de laquelle sont évoqués les origines, la formation et les premiers succès littéraires de Stefan Zweig. Aussi les deux grands amours de sa vie et les amitiés sans frontière, notamment celle avec Romain Rolland, dont il est beaucoup question, et qui écrivait dans son journal intime, un jour d'avril 1919 : "Je ne connais pas d'amis qui ait, plus que Zweig, le culte profond et pieux de l'amitié. Elle est sa religion." Sa religion et sa béquille : "La disparition de Stefan m'a navré. Il a dû succomber à un moment de découragement [...] Il était trop loin de ses amis. Il avait besoin de communier avec eux", disait encore Romain Rolland, en mai 1942. (*)

Sensible, délicat et fragile, discret, élégant et subtil, Zweig aurait mérité de vivre centenaire dans l'ambiance feutrée d'un salon viennois. Il n'était pas taillé pour la lutte et l'action que requérait l'époque durant la seconde moitié de sa vie. Il lui aurait fallu une âme trempée dans l'acier mais elle était plus élastomère qu'une éponge toute neuve, aussi puisait-il chez autrui la force morale qui lui faisait défaut.
Foncièrement inapte aux combats, parfois pusillanime, souvent irrésolu, et cependant incapable de rester indifférent aux maux de son temps, il a forcé sa nature aussi longtemps qu'il a pu, et puis l'éponge a fini par s'user.
Pour découvrir, ou redécouvrir, cette personnalité ambiguë mais sacrément attachante, c'est ici :

Envie de déguster un strudel aux pommes ou de se promener dans les allées du Prater, c'est par là :

Et puis, outre Zweig et les Viennoiseries, l'Humeur Vagabonde de Charles Sigel s'est également penchée sur plusieurs dizaines de femmes et d'hommes ayant chacun marqué l'histoire des arts, des sciences ou de la politique.
Voilà la liste des émissions diffusées depuis janvier 2009, toutes disponibles à l'écoute sur www.rts.ch :








(*) Si la relation entre ces deux hommes de lettres intéresse, on pourra lire la thèse universitaire du professeur Dragoljub-Dragan Nedeljković, intitulée 'Romain Rolland-Stefan Zweig, affinités et influences littéraires et spirituelles (1910-1942)'.
Cette thèse de doctorat, soutenue à Strasbourg en 1957, s'appuie principalement sur la correspondance Zweig-Rolland, à savoir plusieurs centaines de lettres échangées durant trois décennies particulièrement riches en évènements tragiques : première guerre mondiale, révolution russe, montée puis triomphe des fascismes, anti-sémitisme et seconde guerre mondiale. Reflet d'une époque, elle révèle également les préoccupations et les évolutions de pensées de deux intellectuels pas toujours en accord : anti-militarisme, souci d'harmonie et de fraternité, attitude à l'égard de la révolution, construction de l'Europe, nécessité de l'action, rôle de l'art et mission de l'artiste.

Un autre bouquin qui vaut vraiment le coup d'œil, c'est le 'Journal des années de guerre de Romain Rolland (1914-1919)' : quasiment deux-mille pages d'actualités décryptées au jour le jour, de réflexions et  d'observations émanant d'un homme, l'un des seuls de l'époque, qui su préserver le regard clair et lucide au milieu du déchaînement des haines et des passions ; qui su également garder intacte son indépendance d'esprit quand ses contemporains, les uns après les autres, s'abandonnèrent à leur instinct grégaire ; d'un homme qui a des rues, des avenues, des boulevards, des squares, des cinémas, des théâtres, des cliniques, des hôpitaux, des bibliothèques, des crèches, des écoles, des résidences, des cités, des centres d'hébergement et même des gymnases qui portent son nom, mais que personne ne lit plus.
Imprimé sur papier bible aux éditions Albin-Michel en 1952, ce livre est disponible où ça, je vous le donne en mille... A la librairie l'Entropie, bien sûr !