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2016/02/28

Sur la route de Verdun...

Puisqu'il est question de ruines et de désolation, que nous sommes en février et que j'ai envie d'écrire, je vous propose un petit tour sur la route de Verdun :


Une route vallonnée qui, avant d'arriver en Lorraine, vous fait traverser la Picardie, la Champagne-Ardenne et l'Argonne : des noms qui vous pètent aux oreilles comme des roulements de canons et vous feraient presque sentir l'odeur de la poudre au milieu des foins : 


Verdun, ville de province de moyenne importance, mais que l'Histoire et la folie des hommes ont carrément hissé au rang de mythe national. Pas vraiment le plus folichon des lieux de villégiatures possibles — malgré une agréable jetée piétonnière parsemée de bars et de brasseries — mais plutôt un lieu de Mémoire, voire de pèlerinage. On peut, si on veut, siroter une mousse sur la terrasse du Windsor en parcourant Paroles de Verdun, de Jean-Pierre Guéno : 


Un "Centre mondial de la Paix", établi dans l'ancien palais épiscopal, et jouxtant la Cathédrale Notre-Dame dont les cloches vous surprendront peut-être à sonner le mouvement final de l'Hymne à la Joie :



En périphérie de Verdun et en dehors des grands axes routiers, une dizaine de villages totalement détruits et non-reconstruits. Vous n'y croiserez strictement personne, sans doute parce qu'il n'y a rien à y voir, hormis une chapelle, un monument aux Morts et, parsemant la terre retournée, quelques débris de tuiles, de briques, de moellons... mais surtout du silence et encore du silence :


La butte de Vauquois et ses impressionnants cratères, parfois appelés "entonnoirs", fruits de la guerre des mines à laquelle se livrèrent durant quatre ans les boches et les poilus (cf. Bourru, soldat de Vauquois, de Jean des Vignes Rouges). Aussi quelques restes de tranchées bétonnées dans lesquelles vous croisez aujourd'hui autant de Français que d'Allemands :


Un grand et beau musée, le Mémorial de Verdun, créé sous l’égide de Maurice Genevoix et proposant notamment une reconstitution vraiment saisissante d'un champ de bataille, les cadavres et leur odeur de putréfaction en moins :


L'obligatoire visite à l’ossuaire de Douaumont, un monumental bâtiment chargé d'abriter les restes des 130000 soldats français et allemands non identifiés. Qui n'est pas ému aux larmes à l'intérieur de l'ossuaire, ou qui n'est pas simplement pris de vertige, n'est pas tout à fait humain :


Aussi la citadelle souterraine de Verdun qui se visite en wagonnet façon EuroDisney ; les Forts de Vaux et de Douaumont partiellement visitables ; la "légendaire" tranchée des baïonnettes et d'autres petites choses encore... mais surtout, oui surtout, ce moment qui n'appartient qu'à moi : les deux heures passées à la nuit tombée dans le village détruit de Bezonveaux, au milieu d'une forêt de pins et d'épicéas, seul ou presque seul, car il y avait le hibou quelque part sur sa branche... et puis il y eut aussi cette biche que ma présence effraya et qui, le temps d'une seconde, m'émerveilla comme un enfant. C'est mon meilleur souvenir :


Sur la route du retour, France-Info diffusait en boucle la nouvelle du jour : 10 militaires français venaient de trouver la mort dans une embuscade en Afghanistan. Devant les micros tendus, un homme parlait alors de "sacrifice ultime" et de "combat contre la barbarie". Il se gargarisait à tel point de bravoure, d'honneur et de devoir, que je crus un instant entendre le président Poincaré s'adressant aux Français en août 1914, mais... mais c'était seulement Sarkozy 94 ans plus tard.


2014/04/20

14-18 : Magazine mensuel de la première guerre mondiale (Audio)

Troisième et dernière page de publicité pour l'Institut National de l'Audiovisuel, qui met à la disposition du public (généreusement pour l'instant) une série de 37 émissions radiophoniques comme la radio FM n'en fait plus depuis longtemps. Pensez, soixante-sept heures d'antenne au total sur un seul et même sujet : la guerre ! Et puis une si riche quantité d'intervenants qu'on a parfois l'impression d'assister à un défilé de régiment ! Et pas n'importe qui, hein, rien que du beau linge, grands écrivains, grands historiens, grands témoins de la Grande Guerre, et parfois les trois choses en même temps : Pierre Abraham, Emmanuel Berl, Georges Blond, André Chamson, Jacques Chastenet, René Cheval, Henry Contamine, Roland Dorgeles, André Ducasse, Georges Duhamel, Jean-Baptiste Duroselle, Raymond Escholier, Marc Ferro, Maurice Genevoix, Jean Guehenno, Douglas Haig, Annie Kriegel, Ernest Labrousse, Pierre Mac Orlan, Henri Massis, André Maurois, Jacques Meyer, Henry de Montherlant, Paul Morand, René Naegelen, René-Gustave Nobécourt, Pierre Paraf, Guy Pedroncini, Gabriel Perreux, André Pézard, Pierre Renouvin, Jules Romains, Louise Weiss, etc, etc... Et puis z'aussi une très bonne mise en scène et d'excellentes lectures, toutes effectuées par les sociétaires de la Comédie Française qu'étaient : Michel Bouquet, Jean Brunel, Jean-Roger Caussimon, François Chaumette, Henri Cremieux, Jean Davy, René Farabet, Patrice Galbeau, Daniel Ivernel, Odile Mallet, Jean Negroni, Nathalie Nerval, Robert Party, Jean Péméjat, François Perier, Jean Topart, Michel Vitold, etc, etc, un plateau de rois, oui monsieur ! Voilà, voilà, c'était une production de l'ancienne O.R.T.F, toujours à l'occasion du cinquantenaire de l'armistice, donc en 1968, il y a déjà presque un demi-siècle, du temps du Général-à-vos-ordres, dans une France qui comptait encore plusieurs milliers d'anciens combattants et quelques millions de jeunes chevelus échevelés ! Un choc de culture, en somme...

Ci-dessous le sommaire des 37 émissions, toutes disponibles à l'écoute par-ici :

  • 01 : L'hiver 14-15
  • 02 : Les Dardanelles
  • 03 : Mai 1915
  • 04 : L'Italie en guerre
  • 05 : L'Eté 1915
  • 06 : L'attaque du 25 septembre 1915
  • 07 : Les Balkans en 1915
  • 08 : L'arrière 1914-1915
  • 09 : Les blessés
  • 10 : Romain Rolland et la guerre
  • 11 : L'attaque allemande du 21 février 1916
  • 12 : Verdun (février-mars 1916)
  • 13 : L'Angleterre en guerre
  • 14 : Verdun (avril-juin 1916)
  • 15 : Verdun (juin-août 1916)
  • 16 : L'offensive de la Somme
  • 17 : Verdun, la riposte française (août-septembre 1916)
  • 18 : La coalition alliée en 1916
  • 19 : La crise politique française en 1916
  • 20 : Noël 1916
  • 21 : La guerre sous-marine
  • 22 : La révolution russe et l'opinion française
  • 23 : L'offensive du chemin des dames (16 avril 1917)
  • 24 : Les mutineries (avril-septembre 1917)
  • 25 : L'Amérique en guerre en 1917
  • 26 : Le monde en 1917
  • 27 : Le Pape et la paix
  • 28 : Lénine et la Révolution d'Octobre 1917
  • 29 : Les Balkans en 1917
  • 30 : Brest-Litovsk et les 14 points du président Wilson
  • 31 : L'Italie et le Moyen-Orient (février-mars 1918)
  • 32 : Le commandement unique et la Bertha
  • 33 : L'Angleterre au combat
  • 34 : Le 2ème désastre du Chemin des Dames (mai 1918)
  • 35 : Le tournant de 1918
  • 36 : L'effort de l'Amérique et le déclin de l'Allemagne (septembre 1918)
  • 37 : Le succès des armées d'Orient (septembre-octobre-novembre 1918)

2014/04/12

Jules Romains : Les Hommes de Bonne Volonté (Audio)

« Jamais tant d'hommes à la fois n'avaient dit adieu à leur famille et à leur maison pour commencer une guerre les uns contre les autres. Jamais non plus des soldats n'étaient partis pour les champs de bataille, mieux persuadés que l'affaire les concernait personnellement. Tous ne jubilaient pas, tous ne fleurissaient pas les wagons ou ne les couvraient pas d'inscriptions gaillardes. Beaucoup ne regardaient pas sans arrière-pensées les paysans qui, venus le long des voies, saluaient un peu trop gravement ces trains remplis d'hommes jeunes » (J. Romains, Prélude à Verdun)

Du prix de l'Académie Goncourt décerné en 1915 à René Benjamin pour son Gaspard soldat français, jusqu'à Pierre Lemaitre et son Au revoir là-haut, couronné en novembre 2013, la masse de romans ayant pour thème la Première Guerre Mondiale est tellement kolossale qu'elle pourrait occuper à elle seule plusieurs pans d'une vaste et belle bibliothèque. On y trouverait forcément du bon et du moins bon, on y croiserait quelques auteurs connus cernés par un bataillon d'anonymes et d'oubliés, et puis on y verrait aussi du flambant neuf, des inédits sentant encore la colle et l'encre fraîche, adossés à de vieux octavos défraîchis aux relents de moisi... une bibliothèque, quoi.
Quiconque a beaucoup lu sur le sujet est naturellement tenté d'établir une espèce de classement, eins-zwei-drei, le top-ten des meilleurs récits, the best-of world war : 1/ Léon Werth, 2/ Henri Barbusse... Mais faut pas. En revanche, rien n'empêche de signaler telles ou telles lectures qui, bien que rarement citées dans les bibliographies consacrées au conflit, nous paraissent indispensables à sa bonne compréhension. Ainsi des 15ème et 16ème tome des Hommes de bonne volonté, de Jules Romains, à savoir Prélude à Verdun et Verdun, deux volumes écrits en 1938 par un "non-combattant" (âgé de 29 ans lors de la mobilisation, Jules Romains, malade, fut affecté aux Services Auxiliaires de l'armée et n'a donc pas vraiment "vécu" la guerre). Toutefois, en historien scrupuleux mâtiné d'écrivain talentueux, les personnages qu'il décrit, tout comme les scènes qu'il dépeint sonnent toutes juste et vrai... on y croit.
Et puis Jules Romains ajoute encore à ses qualités de romancier, d'historien, de poète et de dramaturge, celles d'un grand comédien. Il faut en effet l'écouter dans des enregistrements sonores effectués pour la Radio-Télévision-Française en 1952, l'écouter présenter les 27 volumes de son oeuvre maîtresse, mais surtout l'écouter en lire de très larges extraits, de sa parfaite diction, adaptant sa voix et ses intonations au gré des personnages qu'il interprète avec un plaisir évident, et notamment ici (de la 15ème à la 20ème minute : un régal).
Et puis Les Hommes de bonne volonté, c'est enfin l'illustration par l'exemple d'une théorie littéraire attachée au nom de Jules Romains : l'unanimisme. Théorie selon laquelle l'écrivain doit exprimer la vie unanime et collective de l'âme des groupes humains et ne peindre l'individu que pris dans ses rapports sociaux. Or, pour l'illustrer, cette théorie, quoi de plus judicieux qu'une mobilisation générale et ses emballements collectifs ; quoi de plus idoine qu'une guerre mondiale englobant pour la première fois l'ensemble de la société ; et quoi de mieux approprié que cette grande mêlée qui eut lieu du 21 février au 19 décembre 1916 sur les bords de la Meuse.

Prélude à Verdun & Verdun :



L'intégralité des 28 émissions d'une trentaine de minutes chacune (13h08mn au total) est disponible ici, sur le site de l'INA.