Affichage des articles dont le libellé est 1914-1918. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est 1914-1918. Afficher tous les articles

2015/01/01

Boire un petit coup (bis)

Bandage au pied, au bras et gueules cassées, petit groupe de soldats en convalo avec cette légende au verso de la photo : « Je t'envoie ma figure, mais elle est bien laide... »



2014/08/23

Henri Guillemin : Nationalistes et Nationaux (1870-1940)

« Nous proposons une droite qui s’assume et qui n’ait pas honte de prôner le patriotisme, le mérite, le travail, l’effort, l’ordre et l’autorité républicaine. » (extrait du projet de La Droite Forte, qui a oublié de mentionner aussi la famille)

Charge de dragons (Dupray)
J'entends souvent dire qu'entre gauche et droite, aujourd'hui c'est kif-kif : canailles & consorts, pareille incompétence et même engeance, un-pour-tous, tous pourris... Moi j'essaie d'expliquer les nuances entre les différents Partis, leurs tendances et leurs représentants, ce qui n'est pas toujours facile, convenons-en. J'évoque alors le passé pour mieux convoquer le présent, compare les politiques sociales des uns et des autres, et, sans jamais convaincre personne, conclus mon laïus en disant que nous avons, ces temps-ci, une gauche un peu moins à gauche et une droite beaucoup plus à droite, avec les deux extrêmes à leur place, à chaque bout de l'échiquier.

Pour convaincre un ouvrier ou un employé de ne pas voter contre ses intérêts, il me faudrait avoir le talent conjugué d'un René Rémond et d'un Henri Guillemin : la science de l'un et l'impertinence de l'autre. On en est loin, très loin. Et c'est bien dommage, parce qu'au rythme où vont les choses, sûr et certain que mes collègues de bureau, de chantier, d'atelier, donneront prochainement l'Elysée à une UMP noyautée par les rejetons bonapartistes, voire maurasso-pétainistes, de la droite française. Quelques-uns voteront même FN et s'en féliciteront, les cons ! La plupart offriront donc leur voix, en conscience et de plein gré, pour des politiques ouvertement xénophobes, aussi pour le contrôle des médias, la justice mise au pas, la baisse des allocations sociales, la hausse des niches fiscales et la retraite à 66 ans, même pour toi qui a commencé à bosser dès 16 ans... Ils voteront pour l'enseignement religieux, la fin des 35 heures, l'asphyxie des syndicats ouvriers, la restriction du droit de grève et même l'allègement du Code du Travail, entendre ici : simplifier la tâche de ton patron lorsqu'il souhaitera te licencier. Te voilà prévenu ! Maintenant, libre à toi de voter pour des Partis qui, depuis qu'ils existent, ont toujours été contre toi et t'ont souvent méprisé, mais... mais lis d'abord cette excellente étude d'Henri Guillemin sur les nationalistes, l'autre nom des capitalistes. En un peu moins de 500 pages, toutes passionnantes, Guillemin retrace l'histoire politico-économique de ton pays, la France, de la Commune de Paris, noyée dans le sang des ouvriers, jusqu'à la débâcle de 1940, en passant par le Front Populaire et la montée des fascismes... Tu y verras la Droite à la manœuvre, sous son véritable jour, ce qu'elle a fait jadis et ce qu'elle fera demain si, par malheur, son idéologie est à nouveau à l'oeuvre : rien pour toi et tout pour eux, les "gens de biens", les "vrais français", dont il faut, coûte que coûte et vaille que vaille, préserver les privilèges.
Et tu refermeras alors ce livre en te disant peut-être qu'il y a, malgré tout, et si infimes qu'elles soient, quelques nuances entre la Gauche et la Droite.
Et puis tu comprendras aussi, de surcroît, pourquoi l'UMP hurle en chœur "Halte à la repentance !" à chaque fois qu'un historien dresse ce genre d'inventaire où sont  nécessairement disséqués les mécanismes, toujours actifs, d'une politique de Droite (des fois que tu piges enfin pour qui tu vas vraiment voter).

Henri Guillemin (1903-1992)
Postface :

Après avoir achevé ce manuscrit, je n'y ai plus songé pendant trois mois, m'attachant à des travaux d'un autre ordre. Je voulais voir l'effet qu'il me ferait en le relisant, ensuite, d'une traite avant de l'envoyer à l'éditeur. Je viens de le relire et je m'attends à des sourires apitoyés; des sourires instruits : un essai simpliste et grossier; pour tout dire, caricatural; et tellement "tendancieux" ! ("tendancieux" est le terme usuel pour désigner la tendance qui n'est pas la bonne); comme d'habitude, avec H. G., le plus sommaire des manichéismes. Viendra, au surplus, la découverte, fatale, d'erreurs de détail que j'aurai commises; on en commet toujours; mais quelle aubaine pour ceux qui sauront en tirer parti, et gloire : jugez du sérieux de cet "historien-là !"
Simplisme ? Oui, en ce sens que j'ai travaillé, volontairement à gros traits pour m'en tenir à l'essentiel : l'importance déterminante, d'abord, de la politique intérieure, et, dans la politique intérieure, de la question d'argent; puis, la boucle bouclée, en France, par les classes dirigeantes, pacifistes à ravir de 1871 à 1888 environ, chauvines, ensuite, pendant quelque cinquante ans et redevenant, à partir de 1936 surtout, férues de paix à outrance; et tout cela dans un constant et unique souci : la sauvegarde de leurs privilèges. A ceux qui, depuis toujours, se sont approprié le bien d'autrui et ont réduit la collectivité à travailler pour eux, il convient de brouiller leurs pistes et de masquer l'évidence; et de même, les manipulateurs de l'opinion souhaitent peu qu'un éclairage trop vif soit porté sur leur étrange politique extérieure.
[...] Quant au "manichéisme", j'en donne assurément l'apparence. Parce que j'étais soucieux, avant tout, de mettre en lumière la vérité capitale — je dis bien : la vérité — objet de ce travail, à savoir le comportement de nos nationalistes mués en "nationaux". Je n'ignore, pour autant, ni ce que fut le combat sacrificiel de "réactionnaires" comme d'Estienne d'Orve et Jacques Renouvin, ni le peu d'empressement manifesté par le prolétariat à travailler davantage pour accroître la puissance défensive de la France (mais c'était au lendemain des déconvenues de 1936-1937, et les ouvriers se savaient, se voyaient les victimes d'un patronat qui n'attendait que ces efforts supplémentaires pour s'enrichir encore davantage); et si courageux qu'aient été, dans la Résistance, tant de militants communistes, je ne saurais oublier les mobiles tactiques où puisait sa raison d'être ce "patriotisme" insolite, effervescent, recommandé par le Parti et réclamé plus tard par lui comme une sorte d'exclusivité. Mais, encore une fois, ces considérations n'étaient pour moi que marginales. Mon propos était ailleurs; il concernait le jeu des "nationaux", et je pense avoir présenté là, tout au moins, comme on dit, une "hypothèse de travail" assez valable.
De même que nous avons été, longtemps, nous Français, dupés sur les origines de la Première Guerre mondiale (...), de même je souhaiterais que l'Histoire, "entrant dans la voie des aveux" (Hugo, 1863), ne laissât pas à nos descendants une image truquée de ce qu'était la France, au seuil de la seconde hécatombe.

Henri Guillemin : Nationalistes et nationaux (1870-1940)
Editions Idées-Gallimard (1974)

2014/04/20

14-18 : Magazine mensuel de la première guerre mondiale (Audio)

Troisième et dernière page de publicité pour l'Institut National de l'Audiovisuel, qui met à la disposition du public (généreusement pour l'instant) une série de 37 émissions radiophoniques comme la radio FM n'en fait plus depuis longtemps. Pensez, soixante-sept heures d'antenne au total sur un seul et même sujet : la guerre ! Et puis une si riche quantité d'intervenants qu'on a parfois l'impression d'assister à un défilé de régiment ! Et pas n'importe qui, hein, rien que du beau linge, grands écrivains, grands historiens, grands témoins de la Grande Guerre, et parfois les trois choses en même temps : Pierre Abraham, Emmanuel Berl, Georges Blond, André Chamson, Jacques Chastenet, René Cheval, Henry Contamine, Roland Dorgeles, André Ducasse, Georges Duhamel, Jean-Baptiste Duroselle, Raymond Escholier, Marc Ferro, Maurice Genevoix, Jean Guehenno, Douglas Haig, Annie Kriegel, Ernest Labrousse, Pierre Mac Orlan, Henri Massis, André Maurois, Jacques Meyer, Henry de Montherlant, Paul Morand, René Naegelen, René-Gustave Nobécourt, Pierre Paraf, Guy Pedroncini, Gabriel Perreux, André Pézard, Pierre Renouvin, Jules Romains, Louise Weiss, etc, etc... Et puis z'aussi une très bonne mise en scène et d'excellentes lectures, toutes effectuées par les sociétaires de la Comédie Française qu'étaient : Michel Bouquet, Jean Brunel, Jean-Roger Caussimon, François Chaumette, Henri Cremieux, Jean Davy, René Farabet, Patrice Galbeau, Daniel Ivernel, Odile Mallet, Jean Negroni, Nathalie Nerval, Robert Party, Jean Péméjat, François Perier, Jean Topart, Michel Vitold, etc, etc, un plateau de rois, oui monsieur ! Voilà, voilà, c'était une production de l'ancienne O.R.T.F, toujours à l'occasion du cinquantenaire de l'armistice, donc en 1968, il y a déjà presque un demi-siècle, du temps du Général-à-vos-ordres, dans une France qui comptait encore plusieurs milliers d'anciens combattants et quelques millions de jeunes chevelus échevelés ! Un choc de culture, en somme...

Ci-dessous le sommaire des 37 émissions, toutes disponibles à l'écoute par-ici :

  • 01 : L'hiver 14-15
  • 02 : Les Dardanelles
  • 03 : Mai 1915
  • 04 : L'Italie en guerre
  • 05 : L'Eté 1915
  • 06 : L'attaque du 25 septembre 1915
  • 07 : Les Balkans en 1915
  • 08 : L'arrière 1914-1915
  • 09 : Les blessés
  • 10 : Romain Rolland et la guerre
  • 11 : L'attaque allemande du 21 février 1916
  • 12 : Verdun (février-mars 1916)
  • 13 : L'Angleterre en guerre
  • 14 : Verdun (avril-juin 1916)
  • 15 : Verdun (juin-août 1916)
  • 16 : L'offensive de la Somme
  • 17 : Verdun, la riposte française (août-septembre 1916)
  • 18 : La coalition alliée en 1916
  • 19 : La crise politique française en 1916
  • 20 : Noël 1916
  • 21 : La guerre sous-marine
  • 22 : La révolution russe et l'opinion française
  • 23 : L'offensive du chemin des dames (16 avril 1917)
  • 24 : Les mutineries (avril-septembre 1917)
  • 25 : L'Amérique en guerre en 1917
  • 26 : Le monde en 1917
  • 27 : Le Pape et la paix
  • 28 : Lénine et la Révolution d'Octobre 1917
  • 29 : Les Balkans en 1917
  • 30 : Brest-Litovsk et les 14 points du président Wilson
  • 31 : L'Italie et le Moyen-Orient (février-mars 1918)
  • 32 : Le commandement unique et la Bertha
  • 33 : L'Angleterre au combat
  • 34 : Le 2ème désastre du Chemin des Dames (mai 1918)
  • 35 : Le tournant de 1918
  • 36 : L'effort de l'Amérique et le déclin de l'Allemagne (septembre 1918)
  • 37 : Le succès des armées d'Orient (septembre-octobre-novembre 1918)

2014/04/19

Maurice Genevoix : Ceux de 14 (Audio)

« Je souhaite que d'anciens combattants, à lire ces pages de souvenirs, y retrouvent un peu d'eux-mêmes et de ceux qu'ils furent un jour ; et que d'autres peut-être, ayant achevé de lire, songent, ne serait-ce qu'un instant : "C'est vrai, pourtant. Cela existait, pourtant." » (Maurice Genevoix, dans sa préface à l'édition originale des Eparges)

« Aucun réquisitoire contre la guerre n'atteint la puissance de ce récit, de ce constat modeste, mesuré, terriblement précis... Sans élever le ton, Genevoix raconte l'horreur quotidienne » (Paul Guimard)

Couverture de J.L. Lefort
Front de Somme (1916)
Lorsque les troupes allemandes envahissent la Belgique, le 4 août 1914,  Maurice Genevoix est alors âgé de 24 ans. Elève à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, et passionné de littérature, il prépare avec assiduité une agrégation de lettres modernes, se destinant sans doute à une longue et brillante carrière universitaire... Mais trois semaines après les premiers échanges de coups de feu en territoire belge, le sous-lieutenant Genevoix se retrouve à son tour sur le Front, en Argonne, où il assiste impuissant à la déroute des armées françaises, ainsi qu'à l'exode des populations civiles : villages bombardés, maisons incendiées, dévastées, pillées, etc. Durant les huit mois suivants, il affronte courageusement la mitraille à de multiples reprises, notamment lors de la bataille de la Marne, avant que d'être atteint au bras et au flanc par trois balles allemandes, qui le laissent ko du côté de Calonne et surtout handicapé pour le restant de ses jours. La guerre est donc finie pour lui en avril 1915. Enfin, finie... finie, ça c'est vite dit. Car pour tous ceux qui l'ont vécu et qui en sont revenu, la guerre n'a jamais cessé : elle a hanté leur mémoire jour après jour jusqu'à leur dernière nuit.
Allongé sur un lit d'hôpital, le corps meurtri, Maurice Genevoix commence à relire les notes qu'il a prises sur son petit carnet quadrillé dès les premiers jours du conflit. Pour l'instant il ne sait pas trop quoi en faire de ces foutues notes. Alors il les relit... encore... encore... et c'est son ami Paul Dupuy, un vieux professeur d'histoire-géo de l'E.N.S, qui l'incite à écrire un livre à partir de ses gribouillis. Eh bien, allons-y ! En avant ! lui répond Genevoix. Et il s'atèle si bien à la tâche que, dès avril 1916, Sous Verdun fleurit déjà dans les bacs des librairies Hachette et Cie. Un gros succès. Puis viennent ensuite Nuits de Guerre (1917), Au Seuil des Guitounes (1918), La Boue (1921) et enfin Les Eparges (1923), cinq récits chronologiques aujourd'hui regroupés en un seul volume : Ceux de 14. C'est un grand classique de la littérature de guerre, le mètre-étalon des témoignages auprès duquel tous les autres font plutôt pâle figure, il faut bien le reconnaître. Sans doute parce que d'entre tous, Genevoix est celui qui a trouvé le ton le plus juste, qu'il n'en fait ni trop ni trop peu, retranscrivant la réalité et rien que la réalité, sans effet de style à la façon de L.-F. Céline, ou de lyrisme anti-militariste à la manière de Barbusse :

« Barque et Biquet sont troués au ventre, Eudore à la gorge. En les traînant et en les transportant, on les a encore abîmés. Le gros Lamuse, vide de sang, avait une figure tuméfiée et plissée dont les yeux s'enfonçaient graduellement dans leurs trous, l'un plus que l'autre. On l'a entouré d'une toile de tente qui se trempe d'une tache noirâtre à la place du cou. Il a eu l'épaule droite hachée par plusieurs balles et le bras ne tient plus que par des lanières d'étoffe de la manche et des ficelles qu'on y a mises. La première nuit qu'on l'a placé là, ce bras pendait hors du tas des morts et sa main jaune, recroquevillée sur une poignée de terre, touchait les figures des passants. On a épinglé le bras à la capote. Un nuage de pestilence commence à se balancer sur les restes de ces créatures avec lesquelles on a si étroitement vécu, si longtemps souffert.
Quand nous les voyons, nous disons : "Ils sont morts tous les quatre." Mais ils sont trop déformés pour que nous pensions vraiment : "Ce sont eux." Et il faut se détourner de ces monstres immobiles pour éprouver le vide qu'ils laissent entre nous et les choses communes qui sont déchirées. » (Henri Barbusse, Le Feu, journal d'une escouade, 1916)

« Le colonel avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l'explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s'embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours mais le cavalier n'avait plus sa tête, rien qu'une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c'était arrivé. Tant pis pour lui ! S'il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé. » (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932)

« Il y a des cadavres autour de nous, partout. Un surtout, épouvantable, duquel j'ai peine à détacher mes yeux : il est couché près d'un trou d'obus. La tête est décollée du tronc, et par une plaie énorme qui bée au ventre, les entrailles ont glissé à terre ; elles sont noires. Près de lui, un sergent serre encore dans sa main la crosse de son fusil ; le canon, le mécanisme doivent avoir sauté au loin. L'homme a les deux jambes allongées, et pourtant un de ses pieds dépasse l'autre : la jambe est broyée. Tant d'autres ! Il faut continuer à les voir, à respirer cet air fétide, jusqu'à la nuit. » (Maurice Genevoix, Sous Verdun, 1916)

Parti à la guerre en tant qu'étudiant et futur enseignant, Maurice Genevoix en est revenu huit mois plus tard profondément blessé, reconnu par l'armée invalide à 70%... et romancier.

En novembre 1968, à l'occasion du cinquantenaire de l'armistice, l'ORTF diffusait à l'antenne une série de cinq dramatiques adaptées d'après Ceux de 14.
Aujourd'hui, grâce à l'INA, les cinq épisodes d'une trentaine de minutes chacun (3h35mn au total) sont audibles ici.

Et pour qui veut en écouter seulement un extrait, c'est là :