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2015/01/09

Spacca : As barbas do imperador (BD)


Gros travail de Spacca pour cette BD adaptée du livre éponyme de Lilia Moritz Schwarcz et tout entière consacrée à missieur Pedro de Alcântara João Carlos Leopoldo Salvador Bibiano Francisco Xavier de Paula Leocádio Miguel Gabriel Rafael Gonzaga, mieux connu sous le nom de Pedro II, aussi surnommé par ses fans El Magnánimo, et plus significativement : dernier des monarques à avoir régné sur le Brésil, de 1831 à 1889, années durant lesquelles le pays s'est modernisé vitesse grand V, tout du moins ses principales villes :


Quoi d'autre ? Le développement des Arts et des Sciences, l'abolition de l'esclavage... et surtout, bien avant l'invention des dircoms, la mise en place, par Pedro II en personne, d'une stratégie de propagande censée promouvoir l'Empire et l'Empereur pour le siècle présent et les siècles futurs.
E depois ? La vingtaine de pages didactiques qui concluent cette BD, notamment l'article sur la photographie à la fin du XIXe siècle, la chronologie illustrée des principaux événements, aussi l'indispensable bibliographie et l'habituel making-of de l'auteur, le tout en langue portugaise, em Português muito complicado para mim, se você souber o que quero dizer...

Et voici donc, espécialement pour vous, un montage cousu-main de quelques vignettes pas vraiment représentatives de l'ouvrage, mais plutôt du talent de caricaturiste de João Spacca de Oliveira :



Deux caricaturistes caricaturés :
Rafael Bordallo Pinheiro (1846-1905)                                                       Angelo Agostini (1843-1910)


Spacca : As barbas do imperador - D. Pedro II, histoire d'un monarque en bande dessinée
Aux Editions Quadrinhos Na Cia © (2014)

2014/12/24

Spacca : Feliz natal e ótimo 2015 (BD)

On ne trouvera chez moi ni sapin, ni guirlandes, ni rien qui rappelle la Nativité, hormis ces quatre planches du dessinateur brésilien João Spacca de Oliveira, qu'il a lui-même traduites en français tout spécialement pour nous. C'est un cadeau ! Et mieux encore : une aimable pensée, un geste d'amitié, un petit message d'espoir venu d'outre-Atlantique... Joyeux Noël à tous !





2014/05/17

Spacca : D. João carioca (BD)

Fruit de la collaboration entre l'historienne Lilia Moritz Schwarcz et le dessinateur João Spacca de Oliveira, cette bonne petite BD pour enfants (ou adultes consentants) retrace l'histoire du règne de João VI : Roi du Portugal et des Algarves, de chaque côté de la mer en Afrique, Duc de Guinée, d'Éthiopie, d'Arabie, de Perse et d'Inde par la grâce de Dieu et l'acclamation unanime de son peuple, roi puis empereur du Brésil... Ainsi était titré João VI, mieux connu en France sous le nom de Jean VI le Clément (wiki).
Et puisque nous sommes ici au début du siècle 19, interviennent également dans l'histoire : Bonaparte, le général Junot, Lord Strangford, l'amiral Sidney Smith... tous lancés à la conquête du monde, par les armes ou la "diplomatie". De sorte qu'à travers le portrait mi-figue mi-raisin de Dom João sont aussi relatés les rapports de force entre les grandes puissances de l'époque, les conflits d'intérêts entre des hommes politiques assoiffés de pouvoir, aussi le double-jeu de leurs conseillers, les pressions qu'ils exercent, les intrigues qu'ils fomentent, les bassesses qu'ils commettent et le petit peuple qui souffre le martyre en silence... toutes sortes de choses qui, je crois, n'appartiennent pas qu'au passé.

Le général Junot
Le coup de crayon de Spacca est comme d'habitude à la fois caricatural au niveau des personnages et très soucieux de précision au niveau de leurs costumes ou de leurs attitudes. Rien n'est laissé au hasard : armement, outillage, moyens de transport ou encore architecture, tout est clair, net et sans bavure ; avec par-ci par-là quelques touches d'humour qui viennent ponctuer cette biographie socio-historique, où l'on voit par exemple beaucoup de Blancs lancés dans des palabres sans fin, cependant que tous les Noirs passent leur vie au turbin... Avec aussi l'indispensable chronologie en fin de volume, ainsi qu'un très intéressant making-off de douze pages présentant le travail de l'artiste.

Et puis on s'est  laissé dire que Spacca prévoyait également une version dessinée de Tereza Batista... On s'en réjouit d'avance !

Extraits :

Le 11 octobre 1807, Napoléon décrétait la fermeture des ports du Portugal aux navires anglais et se préparait à la guerre :



Le 7 mars 1808, après deux mois d'un voyage éprouvant, la cour royale portugaise venait enfin mouiller dans la baie de Rio Janeiro :


Une page du making-off :




 Spacca : D. João carioca - A corte portugesa chega ao Brasil (1808-1821) ©
Editions : Quadrinhos Na Cia © (2007) 

2014/05/10

Rachel de Queiroz : L'année de la grande sécheresse

« Nous sommes nés seuls et destinés à mourir seuls. C’est peut-être pour cela que nous avons besoin de vivre ensemble » (Rachel de Queiroz)

Femme de lettres brésilienne, Rachel de Queiroz (1910-2003) a débuté sa carrière littéraire en tant que journaliste de presse régionale, et l'a fini en habit vert, sur l'un des fauteuils de l'Académie, tout comme Jorge Amado (1912-2001) avec lequel elle partage également l'engagement politique, les séjours en prison et la maturité précoce des grands écrivains.
Publié en 1930 à compte d'auteure, et alors que Rachel est âgée d'à peine 20 ans, O Quinze (titre original) va rapidement devenir un incontournable classique de la littérature brésilienne.
En 140 pages denses, fortes et poignantes, la toute jeune écrivaine du Nordeste revient sur l'épisode le plus marquant de son enfance : la terrible sécheresse qui sévit durant l'année 1915, avec son lot de misères et son effroyable bilan : un demi-million de migrants fuyant à pied la disette et surtout, chose à peine imaginable, 100 000 personnes mortes de faim sur la route de l'exil.

Dans son récit, Rachel de Queiroz entrecroise l'histoire de trois familles issues de milieux socio-culturels différents, chacune menant à sa façon le combat pour la vie ; soit en cherchant à sauver son patrimoine, soit en aidant son prochain, soit en luttant simplement pour survivre :
  • Chico Bento n'est qu'un pauvre métayer assujetti aux lois du marché. Plus ou moins chassé de la ferme qu'il exploitait jusqu'alors, il part avec sa famille en direction de l'Amazonie où il espère trouver du travail pour nourrir les siens. Son voyage à travers le sertão est marqué par une série d'épisodes dramatiques : tous n'arriveront pas au bout du voyage.
  • Vicente, jeune et riche éleveur de bétail, décide quant à lui, par amour de sa terre et de ses bêtes, de lutter pied à pied pour sauver ce qui peut l'être en attendant l'hypothétique retour de la pluie. Il vit par ailleurs une relation amoureuse compliquée avec sa cousine Conceiçao : tous deux se cherchent et se fuient.
  • Conceiçao est une belle jeune femme de 22 ans, à la fois socialiste et féministe, donc aux idées en avance sur son temps. Outre son métier d'enseignante, elle exerce aussi sa vocation humaniste en donnant assistance aux milliers de réfugiés regroupés dans un camp de Fortaleza.

Extraits :

Si, pour une fois, la vie était comme on voudrait qu'elle soit, Conceição et Vicente pourraient vivre ensemble une belle et romantique histoire d'amour :  

Vicente se rappelait sa secrète irritation lorsqu'il entendait son frère faire référence à certaines femmes que lui n'avait jamais vues, à des milieux dans lesquels il ne s'était jamais aventuré par crainte que son écorce épaisse de paysan ne détonne trop ou ne se heurte rudement au raffinement sophistiqué de l'entourage de l'autre.
[...] Seule Conceição, avec l'éclat de son charme, éclairait et fleurissait d'un enchantement neuf la dureté de sa vie.
Au début, elle l'avait intimidé. Il s'était imaginé qu'elle le voyait avec les mêmes yeux de supériorité un peu apitoyée que son frère, lorsqu'il parlait de son existence de citoyen blasé et faisait allusion à ses préoccupations intellectuelles. Et dans son âpre fierté, comme une porte hostile qui se ferme, il s'était fermé à toute intimité avec sa cousine, souffrant en lui-même qu'elle le croie elle aussi incapable d'éprouver une sensation délicate, de s'intéresser dans cette vie à des choses plus élevées que de s'occuper des vaches ou nager.
Peu à peu seulement il s'était rendu compte que sa cousine le regardait avec de grands yeux d'admiration et de tendresse ; elle le considérait, à n'en pas douter, comme un être neuf et à part; mais à part comme un animal supérieur et fort, conscient de sa force et ignorant avec dédain les subtilités dans lesquelles s'enferrent les autres, rendus mesquins par les intrigues, jaunis à force de divaguer...
Il lui fut reconnaissant de cette sympathie. Il perdit avec elle la timidité craintive qui le retenait. Et il lui ouvrit son cœur d'enfant grandi trop vite où dormait, concentrée, beaucoup d'énergie inconnue, beaucoup de force primitive et vierge.
Ce devait être presque un rêve d'avoir pour compagne de toute la vie cette intelligence tendre avec soi. Et plus que tout, le séduisaient la nouveauté, la saveur d'inconnu que lui apporterait la conquête de Conceição , toujours jugée supérieure parmi les autres jeunes filles et se détachant au milieu d'elles comme le chatoiement de la soie dans un amas confus de coupons d'indienne.

Après que l'un des fils de Chico Bento et Cordulina se soit empoisonné en mangeant une racine de manioc :

Josias était resté là, dans sa fosse, au bord de la route, avec une croix faite de deux bouts de bois attachés, fabriquée par son père.
Il demeura en paix. Il n'avait plus à pleurer de faim, sur les routes. Il n'avait plus des années de misère à vivre devant lui, pour retomber ensuite dans le même trou, à l'ombre de la même croix.
Sa mère pourtant le voulait vivant. Souffrant, oui, mais debout, marchant à côté d'elle, pleurant de faim, se disputant avec les autres...
Et lorsqu'elle reprit sa marche sur la route sans fin, ardente et rouge, elle n'arrêtait pas de passer sur ses yeux sa main tremblante : « Mon pauvre petit ! »

Vicente, Conceição, Paulo, Dona Idalina, son époux... 
(Adaptation du roman de Rachel Queiroz par le dessinateur Shiko)

Chico Bento, Cordulina, Mocinha, Manuel, Pedro, Josias...
(Adaptation du roman de Rachel Queiroz par le dessinateur Shiko)

La désolation, la foi et les vaines prières :

Septembre avait déjà pris fin, avec sa rude chaleur et son anxieuse misère ; et octobre arriva, avec São Francisco [saint François d'Assise] et sa procession interminable, composée presque uniquement de migrants qui traînaient leurs jambes décharnées, leurs ventres énormes, leurs ignobles guenilles, derrière le riche dais de l'évêque et la longue file de religieux qui entonnaient de leurs belles voix le cantique en l'honneur d'un saint :

                                    « Empli d'amour pour le Seigneur !
                                                                  Tu portes en toi les plaies
                                                                                          Du rédempteur ! »

Et porté sur son brancard, tout raide, les mains tachées de rouge, les pieds couverts de plaies apparaissant sous la robe de bure, São Francisco déambula par toute la ville, ses yeux de porcelaine tendus vers le ciel, apparemment indifférent devant l'infinie misère qui l'entourait et implorait sa grâce, sans même esquisser au moins un geste de bénédiction, parce que ses mains, où les clous de Notre-Seigneur avaient laissé leur marque, étaient occupées à retenir un crucifix noir et un gros bouquet de roses.
Et puis ce fut novembre, plus sec et plus misérable, repassant pour l'affûter plus encore, peut-être parce que c'est le mois des trépassés, la faux immense de la mort...

Rachel de Queiroz : L'année de la grande sécheresse (1930)
Traduction de Jane Lessa et Didier Voïta
Editions Stock
(Egalement disponible aux Editions Anacaona, dans une nouvelle traduction de Paula Anacaona : La terre de la grande soif)

2013/09/28

Spacca : Jubiabá (BD)

Arrivée en banlieue parisienne trois semaines jour pour jour après avoir été glissée dans une boîte postale de la banlieue de São-Paulo, cette BD a parcouru 9500km, franchi deux océans et traversé sept méridiens à la vitesse éclair de 19 kilomètres à l'heure, sans doute un record dans le genre, mais ce n'est pas la raison pour laquelle on en va parler.
Introuvable en France, et pas même disponible sur le Web, Jubiabá m'a donc été envoyée par l'auteur, João Spacca de Oliveira, lequel a répondu à ma demande à la façon des brésiliens : avec amabilité, obligeance et simplicité. Merci à lui, ou muito obrigado, comme on dit là-bas.
Ceci étant, il ne faudrait pas croire qu'un excès de complaisance pour l'auteur, voire même de sympathie pour l'homme, m'incite à louer ici son adaptation du livre éponyme de Jorge Amado. Chacun pourra en effet juger un peu plus bas de la qualité graphique de ses dessins ou de l'harmonie de ses couleurs : un régal pour les yeux. Concernant le scénario, nécessairement condensé, il est aussi fidèle que possible à l'original : on y retrouve non seulement chaque épisode de la vie mouvementée d'Antonio Balduino, mais aussi la plupart des personnages du roman et les multiples endroits qu'ils fréquentent. Enfin, et c'est peut-être là le plus important : la sensibilité avec laquelle Spacca a su retranscrire l'univers d'Amado, ce mélange de violence et d'amour dans le Brésil des années vingt et trente, aussi ce constant souci du bien et du mal, et cet espoir de voir poindre un jour des lendemains qui chantent. Au fond, tout bien pesé et tout bien réfléchi, peu importe le talent des uns ou le génie des autres... mais que l'humanité d'un homme fasse écho à celle d'un autre homme à travers le temps et l'espace, voilà, oui voilà ce qui est vraiment beau.

Précisons encore que João Spacca de Oliveira a consacré à cet ouvrage un an et  demi de sa vie, dont six mois de recherches et de préparation, plus douze autres mois pour dessiner et colorier chacune des 81 planches ; qu'il s'est inspiré, entre autres choses, des magnifiques photos du français Pierre Verger et des chansons de Dorival Caymmi, célèbre auteur-compositeur de saudades, l'équivalent des fados portugais ; aussi que nous espérons vivre assez vieux pour voir fleurir un jour Jubiabá dans les bacs des librairies françaises ; et enfin qu'il a été extrêmement difficile de choisir quelles planches ou vignettes offrir en partage, tant elles sont presque toutes réussies, hormis quelques-unes peut-être un peu bâclées... Um abraço.
~o~O~o~O~o~

Le petit Antonio Balduino, ici avec Zé-la-Crevette, son professeur de guitare et de capoeira : 

© Spacca - 2009

Celui qu'on appelle Jubiabá, guérisseur et maître de cérémonies Candomblé :

"Son oeil de piété est parti. Seul est resté celui de la méchanceté."
      
Après l'internement de sa tante, Baldo est conduit par mame Augusta dans la maison du conseiller Pereira :

© Spacca

Il y rencontre Lindinalva, la fille du conseiller, l'amour de sa vie, la fièvre de ses nuits... un rêve inaccessible : 

"Après avoir reçu une terrible raclée, ce n'était pas le corps d'Antonio Balduino
qui souffrait. C'était surtout le cœur qui lui faisait mal, parce qu'ils n'avaient
pas confiance en lui. Et il engloba ces Blancs, qu'il appréciait jusqu'alors, dans
la haine qu'il portait à tous les autres."









Mal-aimé dans son nouveau foyer, Baldo fugue avant qu'on ne le chasse. Il découvre alors la liberté de la rue et les moyens d'y survivre avec la fine fleur des pavés : Zé-la-Cosse, Le-Gros, Viriato-le-Nain, Philippe-le-Beau et Rozendo :
© Spacca


Un peu plus tard, la vie du champion connaît des hauts et des bas :

© Spacca


Avec de la violence policière en veux-tu en voilà :

© Spacca


Aussi des rires et des larmes :

© Spacca


Une fuite éperdue à travers la forêt :

© Spacca

Et finalement la prise de conscience, juste avant l'engagement politique :

Traduction :

-Les ouvriers sont une immense majorité dans le monde et les riches une petite minorité. Alors pourquoi les riches sucent la sueur des pauvres? Pourquoi cette majorité travaille stupidement pour le confort d'une minorité? Tous les ouvriers, les intellectuels pauvres, les paysans et les soldats doivent s'unir contre le Capital...
-Que signifie être contre le Capital ?
-"Capital" et "Riches" ça veut dire la même chose...
-Ah, alors je suis contre aussi...

Jubiabá (Bahia de tous les saints), 96 pages parues aux Ed. Quadrinhos na Cia, en 2009. 
Illustrations et adaptation de Spacca ©, d'après l'oeuvre de Jorge Amado.

Les maisons Casterman, Dargaud, Dupuis, Delcourt ou Glénat sont priées de contacter urgemment les Editions Schwarcz LTDA, à São Paulo, afin de récupérer les droits de cette bande dessinée pour la mettre à disposition du public français, lequel leur vouera alors une reconnaissance éternelle : 

© Spacca